Il était très étonnant de ne pas voir débarquer avant Noël la comédie sentimentale annuelle de l’Avent… la voici, la voilà, égale au genre développé depuis quelques années par Hollywood ‑la comédie rose bonbon. Tout… sauf en famille montre, comme souvent, un certain talent comique, mais tombe, comme souvent, dans les mêmes travers que la comédie sac à sapin : le lénifiant et le conformisme.
Tout… sauf en famille bénéficie d’une affiche qui explique son succès éclatant depuis un mois un box-office américain : Reese Witherspoon, oscarisée en 2006 pour son rôle dans Walk the Line, est devenue une des actrices les mieux payées de la côte ouest, sans que l’on comprenne exactement pourquoi aux vues de sa filmographie récente. Quant à Vince Vaughn, on le connaît surtout pour ses nanars au goût douteux, et ses couvertures de presse à scandale… et pourtant, il faut bien avouer que le couple n’est pas désagréable à regarder, et que le début de cette « tragédie cinématographique annoncée » n’est pas si tragique que cela. Il est malheureusement fort exaspérant de voir que le talent comique, le rythme insufflé par un découpage et des dialogues plutôt avenants de prime abord, est systématiquement cassé par un discours peu original, voire même conservateur… c’était déjà le cas d’Esprit de famille. Ces films ne sont donc pas à détruire d’emblée. On ne peut cependant pas se voiler la face : ils sont à la fois le reflet d’un évident savoir-faire en matière de comédie légère ‑point faible, entre autres, du cinéma français‑, et la participation de ce cinéma à l’idéologie conservatrice et fermée ambiante, démarrant sur les chapeaux de roues du grotesque sans vulgarité et de la bouffonnerie bien menée, pour mourir dans le retour à des valeurs traditionnelles, bien vues en période de bûches et de remerciements autour de la crèche.
Revenons tout de même au sujet du film : Brad et Kate forment un couple libéré. Riches, beaux, sympathiques, ils continuent après trois ans de vie commune à se séduire réciproquement, refusant les conventions, les étapes obligatoires du couple. Ils ne veulent pas d’enfants, et inventent toutes sortes d’excuses pour éviter le réveillon en famille. Il est assez savoureux, avouons-le, de voir V. Vaughn inventer une mission humanitaire en Birmanie devant ses parents avant de s’envoler pour les îles Fidji… mais, comme la tempête annonçait l’arrivée des péripéties pour Dorothy dans Le Magicien d’Oz, le brouillard masquant le Golden Gate annonce l’annulation de tous les vols en direction des destinations de vacances. Kate et Brad se retrouvent alors obligés de passer par la case « famille » : leurs parents sont divorcés ; deux fois deux faisant quatre, nous aurons donc le portrait de quatre familles plus ou moins recomposées, évidemment loufoques. La première partie du film est en cela assez délirante, passant en revue et tournant en ridicule les différentes folies américaines comme le catch ou l’évangélisme… et donnant lieu à une scène particulièrement amusante durant laquelle Vince Vaughn doit interpréter Joseph dans une crèche vivante et, prenant son rôle trop à cœur, insulte Marie ‑jouée par Kate- devant quelques centaines de fidèles en délire.
Nous ne mépriserons donc pas cette faculté américaine à la dérision ‑il faut entendre, pour cela, la version étonnante de « Silent Night»-, ni les moues et les numéros d’acteurs de R. Witherspoon et de V. Vaughn parfaitement intégrés aux différents clichés sociaux dont le film semble se moquer. Il aurait été intéressant de montrer Noël comme un moment de ravivement des humiliations enfantines, des tensions familiales, ou de l’ennui obligatoire de fêtes conventionnelles ‑si elles n’en sont pas moins agréables parfois-. Malheureusement, le conformisme de la « comédie sac à sapin » veut que Noël, jour de la naissance du petit Jésus, soit toujours un jour de révélation : Kate et Brad vont donc finir par comprendre qu’un couple ne fonctionne pas sans conventions justement, sans projets attendus. Kate prend ainsi conscience de la fameuse horloge biologique féminine en tenant un bébé dans ses bras tandis que Brad, comme tous les hommes évidemment, refusent la responsabilité de la paternité. Et tout cela se terminera par un sermon paternel : « Rien n’est plus important que la famille. » La comédie sentimentale américaine n’a-t-elle aucun autre message à proposer que celui mêlant beauté du couple reproducteur et du noyau familial, parfois cruel, mais tellement affectueux au fond ? Nous ne serons pas les premiers à faire la remarque ni les derniers, mais il suffit de regarder la série américaine ‑comme Big Love, Six Feet Under ou même Desperate Housewives- pour comprendre que les scénaristes outre-Atlantique sont capables d’autres choses, de détournements bien moins plats… malgré quelques avantages à mettre au crédit de ces « quatre Noëls », on finira par ne plus attendre du tout ces comédies incapables de se penser autrement que comme des pommades au traditionalisme actuel.