Libre adaptation du roman Léon Morin, prêtre de Béatrix Beck, La Confession n’est pas à proprement parler un remake du film de Jean-Pierre Melville même si on retrouve dans les grandes lignes une trame similaire : dans une petite ville de province sous l’Occupation, une jeune femme athée et communiste vient défier le nouveau prêtre sur le terrain de ses idées. Mais les réponses de ce dernier, loin d’asséner des vérités toutes faites, finissent par jeter le trouble dans l’esprit de son interlocutrice au point qu’il ne lui est plus possible de faire la distinction entre son éveil religieux et son désir pour le séduisant homme d’église. De cette confusion, restée intacte le restant de la vie de cette femme, le réalisateur croit pouvoir en tirer une couche romanesque supplémentaire en ancrant tout d’abord son récit de nos jours : alors qu’elle est sur le point de mourir, la vieillarde convoque les services d’un prêtre afin qu’il écoute la confession de cette rencontre ignorée du reste de sa famille. S’en suit un long flashback aux allures d’expiation dont on sait qu’il ne visera qu’à soulager la conscience de la mourante – et au passage troubler une nouvelle fois un jeune prêtre débutant –, laissant le sentiment d’un film recroquevillé sur lui-même, ne visant qu’à boucler la boucle.
Tout est dans le cadre
Comme bon nombre de films de qualité française qui traitent de cette période, La Confession n’échappe pas au lourd travail de reconstitution qui le sur-caractérise. Du décor aux vêtements en passant par les accessoires, on sent que tout le monde a fait suffisamment d’efforts pour que l’époque soit restituée dans ses moindres détails. Seulement, comme dans la majeure partie de ces productions, cet excès de fioriture fait plus tapisserie qu’il ne permet aux enjeux de s’incarner véritablement, laissant les acteurs faire ce qu’ils peuvent pour mettre un peu de chair dans leurs bavardages. À ce niveau, Romain Duris et Marine Vacth (plutôt discrète depuis sa révélation remarquée dans Jeune et jolie de François Ozon en 2014) s’en sortent honorablement même s’ils tiennent difficilement la comparaison avec le duo autrefois formé par Jean-Paul Belmondo et Emmanuelle Riva. Mais la mise en scène de Nicolas Boukhrief ne leur rend jamais justice : systématiquement, le cadre les emprisonne dans un espace qui circonscrit lourdement l’enjeu à l’obstacle qui les sépare (le confessionnal, une table, une porte, etc). La portée de leurs échanges est donc systématiquement ramenée à cet espace béant entre leurs deux corps qui, par moments, se rapprochent de manière trop précipitée pour qu’on soit saisi par le trouble qui les parcourt en profondeur et qui, sous l’œil de Jean-Pierre Melville, prenait une dimension métaphysique.
Le prêtre, la communiste et les autres
C’est que le réalisateur adopte une drôle de position par rapport au texte de son film : ses personnages, trop archétypaux, se définissent par le prisme de leurs idées ou de leurs convictions mais l’auteur n’en fait qu’un argument romanesque, peu intéressé au fond par une quête de vérité qui irait au-delà du sentiment amoureux. Face à la communiste anticléricale qui cite bien évidemment Karl Marx parmi ses inspirateurs, l’homme d’église adopte une position ouverte, prêchant l’amour de son prochain qui englobe bien évidemment l’attirance qu’il peut ressentir pour la jeune femme. Mais au-delà de cette rhétorique qui ne sort pas des sentiers battus, La Confession se satisfait de trop peu, à l’image des seconds rôles absolument catastrophiques qui gravitent autour de la jeune femme. Ses quatre collègues postières représentent au sein d’un même bureau une synthèse bien peu subtile de la France occupée : les deux idéalistes – vouées à un sort funeste – doivent supporter le caractère volage de celle qui fricote sans vergogne avec les SS, sous le regard bienveillant de la chef de service, parfaite collabo à laquelle Anne Le Ny prête ses traits, vraisemblablement trop heureuse de ne pouvoir être confondue avec son sordide personnage. Il est d’ailleurs intéressant de noter que, lors de l’enterrement de dix personnalités du village fusillées par les Allemands, ce soient elles qui se trouvent au premier rang de l’église. Rien ne le justifie si ce n’est l’incapacité du réalisateur à appréhender cette communauté touchée de plein fouet par l’Histoire, faisant de cette nouvelle variation de Léon Morin, prêtre un roman de gare sans saveur.