Musicien dépressif, Antoine (Gustave Kerven) choisit de tout plaquer pour calmer ses envies de suicide. Il se retrouve gardien d’un immeuble parisien où il va devoir veiller sur le confort… et la santé mentale d’habitants plus instables les uns que les autres. Il se prend d’affection pour Mathilde (Catherine Deneuve), jeune retraitée hyperactive, obsédée par une fissure dans son appartement. Cette inquiétude pour la structure de l’immeuble va prendre des proportions inattendues, alors qu’Antoine semble enfin trouver sa place sur cette terre.
Drôle de mélancolie
Avec des personnages fantasques, aux traits volontairement poussés (le receleur de vélos toujours défoncé, le maître-chien membre d’une secte à l’accent à couper au couteau…) Salvadori se range d’emblée du côté de la fable et surprend par un optimisme inattendu, derrière la mélancolie de ses protagonistes à la dérive. Le réalisme n’est pas de mise, même s’il perce à travers une galerie de portraits décalés : dans la dépression rampante d’Antoine et de Mathilde, dans les heurts entre copropriétaires ou dans cette scène savoureuse au Pôle Emploi, où la conseillère au bout du rouleau supplie Antoine de retrouver un peu de joie de vivre pour mieux se vendre. La comédie est construite sur un mode loufoque et l’on est loin de la douce mélancolie de la cour d’Une journée particulière d’Ettore Scola. Ici, la cour intérieure s’érige en théâtre des excentricités. Caché de la rue, et donc du regard réprobateur de la société, cet espace clos devient le théâtre des pulsions en tout genre et le cadre de la révélation de personnalités explosives. L’utilisation judicieuse de l’espace, dans toute sa porosité, participe grandement à la dynamique comique. Les fenêtres s’ouvrent et se ferment sans cesse pour laisser échapper des projectiles et des bruits inattendus, des espaces secrets sont découverts, des appartements trahissent la personnalité de leurs occupants…
Buddy movie
La comédie, au rythme bien huilé, repose surtout sur la dynamique du duo antagoniste formé par Gustave Kervern (dépressif et déphasé comme José Garcia dans Après vous) et Catherine Deneuve (lunatique et pétulante comme Audrey Tautou dans Hors de prix). Avec Dans la cour, on retrouve la capacité de Salvadori à peindre le mal-être urbain et les dysfonctionnements sociaux, ainsi que son goût pour les couples mal assortis et les rencontres improbables, rappelant Comme elle respire et le duo Marie Trintignant / Guillaume Depardieu. Mais, cette fois-ci, la volonté de construire un film ouvertement léger (en contrepoint avec l’état dépressif des protagonistes) se résume peu à peu à une confrontation d’acteurs entre quatre murs, à une performance stérile. Le film se concentre sur deux protagonistes à la dérive sans donner aucune épaisseur à tous ceux qui les entourent, réduits au rang de fantômes face à leur névrose grandissante.