Mehdi (Fehd Benchemsi) et Hamid (Abdelhadi Talbi) sillonnent la campagne marocaine pour collecter des remboursements de crédits contractés par des villageois. S’il dépeint l’état économique de ces territoires reculés et la précarisation de l’emploi qui étreint le pays (les deux agents de recouvrement sont eux-mêmes dans une situation financière délicate), Déserts s’amuse d’abord de l’inadéquation entre ses personnages principaux et les espaces qu’ils traversent. Le duo débonnaire, contraint de jouer les bons samaritains pour récupérer quelques deniers et se faire payer en tapis ou en chèvres, vadrouille au volant d’une voiture miteuse au milieu de paysages immenses. Le cadre se met au diapason de l’ampleur des décors, transformant les deux employés en costumes en petites silhouettes ridicules. Bien qu’il force le trait à plusieurs reprises, Faouzi Bensaïdi agence des situations burlesques souvent amusantes en jouant sur de longs plans larges dans lesquels les corps circulent avec difficulté. La première partie du film rappelle ainsi le cinéma de Jacques Tati, mais en inversant ses paramètres : c’est cette fois l’individu moderne qui se voit confronté à des environnements ruraux.
Les pérégrinations de Hamid et Medhi les amènent bientôt à croiser la route d’un détenu, qu’ils acceptent de convoyer. Alors que la nuit tombe, le ton du film bascule brutalement : alternant dès lors entre les points de vue des deux agents et celui du prisonnier, désormais évadé, le film délaisse le registre comique pour plonger dans une errance métaphysique. Solennelle et mutique, cette seconde moitié semble capitaliser sur la majesté du désert pour esquisser, à peu de frais, une trajectoire poétique (seuls quelques plans fantomatiques où la voiture disparaît dans la poussière paraissent vraiment accomplis). Intrigant sur le papier, le raccord entre les deux parties ne prend jamais tout à fait. Au lieu de faire dialoguer les deux segments, la construction se borne à un constat amer : il n’y a guère plus de place pour la légèreté en ces terres désolées, seulement propices à accueillir quelques mirages.