Après Viva Zapatero ! en 2005, Sabina Guzzanti s’en prend à nouveau au populiste Silvio Berlusconi en décrivant sa gestion déplorable du tremblement de terre d’Aquila. En fidèle rejeton du cinéma satirique et manipulateur de Michael Moore, la réalisatrice nous endort en nous assénant une multitude d’images d’archives et d’interviews dirigées par des commentaires incessants, qui annihilent toute tentative de réflexion sur la vie politique italienne et la personnalité d’il Cavaliere.
Michael Moore ne cesse d’influencer le style d’une vague de pseudo-réalisateurs qui abordent le documentaire comme d’autres – principalement des acteurs – se lancent laborieusement dans la chanson, l’écriture ou la mise en scène. Dans l’ère de la vulgarisation des idées, notamment politiques, qui vire souvent à la caricature et à la fainéantise intellectuelle, des comiques satiriques de toute part, copiant l’esthétique du trublion américain, nous donnent à voir le même type de productions : des œuvres fondées sur une compilation d’archives télévisuelles, de scénettes burlesques et d’interviews, sans aucune réflexion de fond. Il en résulte fréquemment un message simpliste, manipulateur et dénué de formes cinématographiques. En France, le médiocre Karl Zéro s’évertue à imiter sagement Moore par le biais de productions sans saveurs, usant des mêmes méthodes populistes que les personnalités moquées (Bush et Chirac notamment). En Italie, on a Sabina Guzzanti, une actrice ayant fait ses armes sur le petit écran et qui doit sa notoriété à ses imitations de l’un des hommes politiques les plus ridicules de notre époque : Silvio Berlusconi. Dans Draquila, elle l’attaque sur sa gestion catastrophique du tremblement de terre d’Aquila d’avril 2009, qui fit 300 morts. Malgré les promesses électoralistes d’Il Cavaliere sur la construction rapide de logements, de nombreux habitants demeurent encore aujourd’hui sans-abri fixe, ceux-ci étant accueillis ici et là, au gré des places disponibles dans les hôtels de la région. Guzzanti dénonce surtout les agissements de la Protection civile italienne, véritable bras armé du gouvernement. Cette « milice », grâce à d’obscures modifications de la constitution et à une série d’ordonnances, peut se placer au dessus des lois, des réglementations, des élus locaux et de la police en cas d’événements majeurs comme ce tremblement de terre mais aussi lors de banales manifestations sportives, et ainsi, gérer ces diverses situations comme bon lui semble. Il en résulte des décisions arbitraires dénuées de fondements juridiques clairs, portant une atteinte grave aux libertés des citoyens, qui voient leurs actes contrôlés par ce pouvoir parallèle.
S’il s’agit évidemment d’un sujet louable, son traitement est très contestable, voire nauséabond par moments. De la même façon que Moore, Guzzanti se met en scène, notamment par une voix-off toute puissante (la sienne), qui a pour fonction de déblatérer continuellement des vérités sans que l’on ait le temps de se forger une idée sur le flot d’images montées : le spectateur n’est plus libre de sa pensée, Guzzanti usant ainsi des mêmes procédés propagandistes que Berlusconi et la RAI, sa télévision. Surtout, les quelques champs-contrechamps lors d’entretiens entre les acteurs du drame et la cinéaste, qui permettent de découvrir frontalement l’indignation de cette dernière face aux propos des interviewés, sont d’une grande vulgarité : ils semblent avoir pour unique objectif de mettre en exergue sa « belle » personne émue devant des victimes jouant le rôle de faire-valoir. Ces plans sont comparables à ceux de Moore se filmant en plan large dans Bowling for Columbine en train de poser la photo d’une fillette victime des armes à feu devant la demeure d’un Charlton Heston piégé. La mémoire de l’enfant est effacée par la mise en scène outrancière de l’acte. L’Italienne manipule également des citoyens victimes du drame, fans transis de la politique d’il Cavaliere, ne s’apercevant pas qu’ils sont moqués par une réalisatrice, qui se présente pourtant comme proche du peuple, quelque soit ses opinions. Une vision binaire. Il suffit de voir la cinéaste arriver en fanfare lors de l’introduction de son film, grimée en Berlusconi, pour comprendre son projet : se déterminer unilatéralement comme défenseur des droits des opprimés, et ainsi opposer sa personnalité de pseudo-gauchiste à celle du président du conseil italien. On a affaire à un documentaire spectacle, reposant davantage sur l’exposition de grandes révélations que sur la réflexion et la recherche de solutions, mais aussi sur des bruits de couloirs putassiers et inutiles concernant la vie sexuelle de Berlusconi. Guzzanti passe complètement à côté de son sujet, la forme caricaturale et simpliste de son documentaire détournant le spectateur des vrais enjeux des dérives de la vie politique transalpine.