Film à message, porteur d’une vision simpliste de l’écologie, Evan tout-puissant n’est pas aussi drôle que son prédécesseur Bruce tout-puissant. Jim Carrey cède donc la place à l’inimitable Steve Carell qui endosse ici la lourde tâche de construire une Arche afin de préserver la faune menacée par une prochaine inondation. Occasion pour Tom Shadyac de bâtir tout son film sur les clowneries de son acteur principal et de progressivement planifier son jeu, devenu un peu trop poli.
Steve Carell est certainement plus connu aux États-Unis qu’en France où 40 ans, toujours puceau a été boudé en raison de sa merveilleuse vulgarité et où l’hilarante série The Office n’a pas encore débarqué. En fait, hormis Little Miss Sunshine et quelques apparitions (Melinda et Melinda, Ron Burgundy et Ma sorcière bien-aimée), le comédien demeure relativement ignoré par le public français. Son aisance à passer du tragique au burlesque, son visage truffé d’expressions sidérantes en font pourtant le digne ambassadeur de la comédie américaine contemporaine. S’entourer d’une équipe, Steve Carell l’a déjà fait mais certainement pas de façon aussi poussée que dans Evan tout-puissant. L’acteur a dépassé un certain stade : il suffit d’admirer tristement comment celui-ci ne trouve plus d’adversaire à son envergure, que son humour fait de grimaces et de hurlements bestiaux ne pouvait que trouver un semblant d’écho avec la forme animale. Rappelons que la même mésaventure est arrivée à Eddie Murphy avec Docteur Dolittle…
Notons aussi que Steve Carell fait partie d’une sorte de clan de comiques (un documentaire, Mafia Comedy, leur a été consacré) plus ou moins affiliés à l’esprit de l’émission Saturday Night Live : Ben Stiller, Will Ferrell, Owen et Luke Wilson, Vince Vaughn pour ne citer que les plus visibles. À ce titre, Evan tout-puissant est symptomatique du trajet de Steve Carell qui du petit écran (Evan est d’abord présentateur d’un JT dans Bruce tout-puissant puis aspirant politicien dans cette suite) est vite propulsé dans le cinéma (effets spéciaux, présence de Dieu, attribution de rôle etc.). Reprenant (pastichant ?) la formule de Spider-Man (« Avec de grands pouvoirs viennent de grandes responsabilités »), Dieu/Morgan Freeman met le doigt sur ce qui attend Carell : le don, l’énergie génèrent une problématique dans un système formaliste qui travaille la retransmission et le décuplement. Il y devient impossible de rester soi-même tant la propagation des images annule la profondeur du geste du comédien.