Réalisateur de films érotiques SM à grand succès dans les années 1970, Masaru Konuma trouve dans la magnifique Naomi Tani son égérie, son actrice favorite ; et avec elle, l’opportunité d’adapter à l’écran l’écrivain Oniroku Dan. Avec Fleur secrète en 1974, le réalisateur fait œuvre cinématographique avec un scénario qui aurait donné lieu, à peine quelques années plus tard, à un énième film pornographique en vidéo.
Makoto Katigiri a des problèmes. Tout jeune, il surprend sa mère au lit avec un soldat américain, se saisit de son pistolet, et fait feu sur lui. Le souvenir restera pour le hanter jusqu’à l’âge adulte, 32 ans, âge auquel le malheureux n’a toujours pas réussi à produire la moindre érection. Sa mère, chez qui il habite toujours, est metteuse en scène de photographies sado-maso, avec une renversante bonne humeur – après tout, « le sexe, ça rapporte ». Un beau jour, le PDG de la firme pour laquelle Makoto travaille l’appelle à son secours : sa femme se refuse à lui, et il compte sur son jeune employé, féru de SM comme le prouvent les photos trouvées dans son bureau, pour lui apprendre un peu la vie.
Fruit des tentatives de la société de production Nikkatsu pour se renflouer pendant les années 1970, le genre érotique dont est issu Fleur secrète fait suite à la radicalisation commerciale du genre plus prude des pink eiga. Naomi Tani, actrice émérite de ce dernier sous-genre, illumine le film d’une grâce inaccoutumée, au milieu de péripéties passablement convenues. Makoto est un croisement entre la chèvre de Pierre Richard et un adolescent découvrant la sexualité en trois semaines chrono. Son patron est un vieux barbon priapique prompt à sauter sur tout ce qui bouge et à s’amuser à la zoophilie (version chenilles vertes un brin dégoûtantes). Son épouse, la belle mais prude Shizuko, est le modèle de pureté qu’il manquait de souiller à Makoto pour se découvrir une libido. Lorsque son patron lui met pour ainsi dire le pied à l’étrier, le jeune homme se découvre une sensualité, vite douchée par une mère castratrice.
Caricatural ? Certes. Boulevardier ? Indéniablement. Purement commercial ? C’est à voir. Misogyne ? Rien n’est moins sûr. Konuma parsème son film de scènes étonnamment esthétiques, contemplatives, d’une beauté et d’une préciosité que l’absence de budget digne de ce nom interdit aux films érotiques et pornographiques de la décennie qui suivra. Et que dire du personnage de Shizuko, auparavant prude et devenant promptement non seulement complice mais instigatrice de la relation SM entre elle, Makoto, son mari, sa femme de chambre… ? Un petit détail entendu ici, une légère déclaration là : il est certain que la femme n’est ni aussi soumise ni aussi victime que ne le laisserait entendre le récit – au contraire.
En se payant le luxe d’introduire un brin de profondeur à ses personnages, le scénariste Tanaka Yozo permet à Konuma d’apporter une dimension passablement sadienne à son film, en cela que la morale, le « bien » n’y est pas aisément discernable. Les hommes dominateurs sont finalement manipulés, la mère monstrueuse finalement plus pure, la femme plus indépendante qu’il n’y paraît (la fleur secrète n’est-elle pas celle, souillée du sang de son mari humilié, qu’elle brandit au début du film, et dont sa femme de chambre dit qu’elle lui ressemble ?)…
Mais foin de toute forme d’analyse (qu’elle soit juste ou faussée) : Fleur secrète reste avant tout un tribut à la beauté incroyable de la mythique actrice Naomi Tani. Cherchant à la soumettre, après les pires humiliations, la mère de Makoto s’étonne : « elle a encore son air distingué ». Et c’est indéniable : la beauté de son actrice principale, autant que l’humour ironique très présent, transcende Fleur secrète, et le hisse au-dessus du produit érotique lambda.