Précédé par l’odeur du scandale (une scène évoquant, hasard du calendrier, la tuerie d’Aurora), aseptisé avant sa sortie (suppression de ladite scène), Gangster Squad aura fait couler beaucoup d’encre avant même d’atteindre les écrans. Heureusement pour lui, car il est peu probable qu’on en parle après.
À la fin des années 1940, alors que la mafia règne sur la côte Est, la Californie demeure plutôt protégée. C’est sans compter sur Mickey Cohen (Sean Penn), voyou de Chicago décidé à faire régner la terreur sur Los Angeles. Policiers, juges, hommes politiques, la corruption ronge tous les citoyens influents. Tous sauf la Gangster Squad, une équipe de flics incorruptibles qui agit hors des clous, sous l’égide du chef Parker (Nick Nolte), pour briser un à un les deals de Cohen. Menée par John O’Mara (Josh Brolin), sergent d’une droiture exemplaire, la clique regroupe un geek, versé dans la science de l’écoute téléphonique (Giovanni Ribisi), un vieux briscard tireur hors pair (Robert Patrick, méconnaissable), un Hispanique homme à tout faire et un beau gosse (Ryan Gosling), à la colle avec la fiancée de Cohen. Prostitution, trafic de drogues, paris illégaux, l’empire Cohen se fissure sous les violents coups de butoirs des policiers kamikazes, malgré la brutalité impressionnante du malfrat (la séquence d’ouverture restera comme l’une des plus sanglantes vues au cinéma ces dernières années).
Tiré d’une histoire vraie (la caution « réalisme », décidément très à la mode), le film prend le parti du « buddy movie », en multipliant les scènes confraternelles entre les membres de la Gangster Squad et en insistant sur leur complémentarité, en opposition à la figure tyrannique et monolithique de Cohen. Malgré une certaine homogénéité du casting de flics, le personnage de Cohen souffre de l’interprétation boursouflée de Sean Penn. Or sans bon méchant, on ne ressent que trop peu la détermination des « gentils », sel scénaristique majeur du film, d’où le désintérêt croissant du spectateur pour leur mission. La simplicité et la linéarité du scénario n’arrangent rien. De séquences téléphonées en retournements ridicules (la scène du bain, affreusement putassière), Gangster Squad enfile les moments cinématographiquement plats.
S’il faut faire le deuil durant la projection d’une quelconque complexité narrative, Gangster Squad réussit toutefois son immersion visuelle dans le Los Angeles des fifties. Décors, costumes, lumières, les ingrédients du polar classique sont convoqués avec succès. Emma Stone campe ainsi une belle plante digne des romans de James Ellroy, Robert Patrick impressionne en cow-boy vieillissant et Ryan Gosling apporte une pointe d’humour, proposant quelques petites saynètes de comédie bienvenues. Cette légèreté, contrebalancée par la violence brute qui explose par l’entremise de Cohen, offre une nuance qui aurait pu être intéressante en regard des canons du film noir. Mais l’absence de mise en scène un tant soit peu personnelle, la prévisibilité des événements et leur enchaînement métronomique plombent définitivement Gangster Squad, faisant oublier les petites touches sympathiques qui pouvaient ponctuellement l’éclairer.