Alors qu’un énième flashback digressif retrace l’origine d’un personnage secondaire, on s’interroge : Hellboy contiendrait-il en son sein un film, dix, ou simplement aucun ? Si le patchwork de récits organisé par le montage rappelle bien l’origine feuilletonesque de l’enquêteur démoniaque (héros d’une série de comics avant d’être immortalisé une première fois au cinéma par Guillermo del Toro), il nourrit surtout l’incohérence d’un objet paradoxalement aussi hypertrophié que vide. Hellboy ne cesse de sauter d’une tonalité (la comédie) à une autre (le gore), tout en couvrant une multitude de figures, d’espaces et de temporalités qui s’imbriquent autour d’un vague fil conducteur (la résurrection d’une sorcière). De ce magma émerge cependant une scène récurrente qu’on serait tentés d’envisager comme le pivot secret du film : plus d’une fois, Hellboy se réveille en se demandant où il est et ce qu’il fait là, dans un état mental d’épuisement et d’abrutissement qui risque d’être peu ou prou celui du spectateur devant l’enchaînement sans queue ni tête des scènes et situations.
Il faut dire aussi que l’imaginaire du film est le fruit d’un syncrétisme entre diverses mythologies (de la Bible aux légendes des chevaliers de la Table ronde) et imageries, en témoigne la manière dont le film passe d’un catcheur vampire mexicain à des trolls britanniques chassés par une ancienne confrérie secrète. De ce grand n’importe quoi le film ne fait hélas pas grand-chose, si ce n’est concocter une tambouille assez informe dont certains ingrédients pourraient tout aussi bien constituer la matière d’une suite ou d’un prequel. Reste que Hellboy impressionne surtout par sa laideur plastique insane, qui ferait presque regretter (et c’est là la preuve définitive de sa médiocrité) les fétiches et le style surchargé de Guillermo del Toro.