En 2012, on s’indignait déjà du discours aux relents néocolonialistes totalement décomplexé qui parcourait Indian Palace. À découvrir cette suite toujours réalisée par le fade John Madden, on serait finalement tenté de trouver des circonstances atténuantes au premier volet. Il présentait au moins le maigre intérêt scénaristique de rassembler dans une même unité de lieu un groupe de septuagénaires britanniques aux personnalités très différentes autour d’un objectif commun : s’organiser pour vivre une retraite paisible dans un hôtel indien décrépi tenu modestement par un jeune local aussi débrouillard qu’enthousiaste. Dans ce deuxième épisode, on sent bien que le scénariste et le réalisateur sont à la peine pour relancer la machine : le lieu ayant déjà été investi précédemment et la galerie de personnages n’ayant pas beaucoup varié, comment faire en sorte d’accrocher le spectateur à son siège pendant un peu plus de deux heures ? Comme tout feel good movie qui se respecte, Indian Palace – Suite royale va donc s’évertuer à développer de manière totalement artificielle de nouveaux enjeux avec pour seul objectif la validation d’un discours positif sur la nécessité de vivre sa vie, parsemé par endroits d’une philosophie de comptoir sur la solitude face à la mort.
La tentation du clone
Fort de son succès (du moins auprès du groupe des quelques personnages y logent), l’Indian Palace cherche donc son jumeau. Le film s’ouvre d’ailleurs sur les négociations entamées par le jeune Sonny flanqué de la râleuse Muriel Donnelly avec un groupe de banquiers pour que leur soient accordés les fonds nécessaires à l’achat d’un nouveau bâtiment dans la belle ville de Jaipur. L’objectif serait d’y dédoubler le même concept de lieu accueillant des personnes âgées occidentales pour y vivre paisiblement leur fin de vie. C’est d’ailleurs autour de cette idée de paire que sera entièrement développé l’avatar Indian Palace – Suite royale : les couples se font, se mettent en danger ou bien tentent de se séduire tant bien que mal. À l’exception du personnage solitaire joué par Maggie Smith à qui reviendront une bonne partie de la narration et la conclusion du film (telle une sage arrivée au crépuscule de son existence), chacun ne vit que dans la perspective du couple, ce qui réduit considérablement le périmètre de chaque enjeu narratif à une succession laborieuse de courtes scènes qui ne disent jamais grand-chose de l’individualité des personnages. Et si on pourrait se réjouir que soit mise en scène dans ce cinéma commercial la question du désir et de l’attirance chez les septuagénaires, il n’est pas pour autant question de mettre en scène le corps et l’étreinte : l’amour est ici platonique et ne trouve qu’à de rares occasions une expression physique. C’est plus pratique ainsi et cela ne retire rien à la joliesse revendiquée du propos, est-on tenté de conclure.
Inde, toile de fond
Mais ce qui est le plus gênant dans le dispositif choisi par le metteur en scène, c’est cette manière de réduire encore une fois l’Inde à un grand terrain de jeu coloré où les locaux ne jouent rien d’autre que des potiches serviles et un peu écervelées. Alors que leur culture est réduite à un festival de couleurs et un désordre au charme exotique, les Occidentaux dépossèdent les Indiens de leur travail (Judi Dench devenant à 79 ans commerciale experte en tissus !) et se rendent indispensables en toutes circonstances comme si le monde ne pouvait pas logiquement tourner sans eux. Cette condescendance atteint des sommets lorsque l’une des retraitées, tombée sous le charme de son chauffeur indien prêt à tout pour la satisfaire, se complaît dans une autosatisfaction discrète après avoir émerveillé un groupe de jeunes filles indiennes en leur offrant une boîte à musique. Et que dire de l’acteur britannique Dev Patel qui cabotine insupportablement deux heures durant, s’exprimant en anglais avec un accent indien à couper au couteau ? Indian Palace – Suite royale aura beau se terminer sur un hommage appuyé à Bollywood, il est difficile de ne pas y voir autre chose qu’un spectacle de foire pour touristes occidentaux : sous prétexte de nous vendre l’illusion confortable d’une brève immersion dans une tout autre culture, on nous garantit néanmoins de pouvoir rapidement revenir à la maison.