Le succès populaire auquel semble promis Kaamelott : Premier volet n’est pas sans étonner. Moins que la fidélité d’une communauté d’aficionados, qui aura patiemment attendu la suite des aventures d’Arthur (douze ans depuis la fin de la série) pour mieux lui offrir un démarrage en trombe dans les salles, c’est la nature même de la fiction qui surprend. Kaamelott est l’histoire d’une parodie, constituée originellement de vignettes de cinq minutes calées entre la fin du journal de M6 et la première partie de soirée, qui s’est peu à peu piquée de vouloir raconter quelque chose, en dérivant vers la forme de la dramatique télévisée, jusqu’à devenir une fiction auteuriste (Alexandre Astier, son créateur, est présent devant et derrière la caméra, à l’écriture et à la musique) et bizarroïde, hantée par la dépression et une quête impossible – celle du Graal. Un drôle de cas dans l’histoire de la télévision française, dont le prolongement cinématographique perpétue l’étrangeté : faux film épique aux allures de téléfilm, avec des armures en caoutchouc et des scènes « spectaculaires » filmées par-dessus la jambe – mention spéciale au duel à l’épée entre Arthur et Lancelot, l’un des plus illisibles et désinvestis vus ces dernières années au cinéma –, le récit suit un personnage qui ne veut pas au fond accomplir son destin et traîne des pieds pour (re)lancer son épopée.
Si Astier contente ses fans avides de bons mots en cultivant un argot post-Audiard (à un gag visuel près, celui d’une porte que l’on tarde à enfoncer, le comique du film repose surtout sur les dialogues), il déconcerte aussi en filmant de manière éthérée un amour de jeunesse. Ces flashbacks ni drôles ni émouvants, qui émaillent le retour aux affaires du roi déchu, cherchent en vain à creuser une profondeur psychologique au personnage campé par Astier. On l’a compris, si Kaamelott est un (très) mauvais film d’aventure, et un curieux assemblage de micro-scènes souvent atones, il bénéficie toutefois de l’abattage d’une impressionnante cohorte de guest stars, au niveau fort inégal, mais où brillent certains – en premier lieu Alain Chabat en Duc d’Aquitaine (son « coucou » rappelle sa prestation hébétée dans Réalité de Quentin Dupieux), et François Rollin, dont le goût pour les aphorismes latins approximatifs détonne dans ce bain de franchouillardise qui sent fort le sauciflard et la boustifaille.