Après moult adaptations animées et quelques-unes en chair et en os diversement pertinentes, le personnage d’Astérix passe à l’ère du tout numérique. C’est aussi l’occasion pour Alexandre Kaamelott Astier de faire sien le personnage, pour une mouture avant tout placée sous le patronage des cartoons de Chuck Jones.
Astérix et le village des irréductibles Gaulois reviennent dans le giron de Goscinny et Uderzo avec ce Domaine des Dieux qui, dans l’ensemble, suit avec fidélité l’album d’origine : les villages de vacances, les promoteurs immobiliers, les touristes de la grande ville et les commerçants locaux qui leur répondent en prennent donc pour leur grade – faisons confiance à Goscinny pour doser finement la tendresse et le sarcasme à destination de ses contemporains. De son côté, Alexandre Astier opère des changements, petits et grands : s’il remet doucement au goût du jour certains personnages, il se permet de plus grandes libertés avec ses deux héros, ou en introduisant – ô danger – un personnage de petit garçon qu’Obélix prend sous son aile. Le gamin sidekick, c’est une marque de fabrique du cinéma des années 1980, et le plus souvent une erreur scénaristique très kitch – dont s’est récemment gaussé avec bonhomie Iron Man 3. Astier s’en tire avec les honneurs, en exploitant surtout le potentiel cartoonesque de ses héros.
Padeprisederix
Il faut dire que les homériques batailles des héros gaulois et les prodiges permis par la potion magique ouvrent la voie à un dynamisme visuel dans le ton des sagas de Bip-Bip et le coyote ou de Tom et Jerry. Le film s’ouvre d’ailleurs sur une course-poursuite trépidante – à laquelle prend part un malheureux sanglier – qui donne le ton d’un récit dopé aux gags visuels. C’est l’aspect le plus appréciable de ce nouvel Astérix, tant le film perd de son efficacité lorsque les dialogues reprennent le dessus. Si la plupart des interprètes vocaux s’effacent judicieusement derrière leur personnage (notamment l’inoxydable Roger Carel, 77 ans au compteur et Astérix toujours fringuant), d’autres – le geignard Élie Semoun en tout premier lieu – s’y refusent, perpétuant l’erreur qui sclérosait les quatre films live dans leur ensemble. Là où Chabat avait réussi à faire de Mission Cléopâtre un harmonieux film-d’Astérix-des-Nuls, les trois autres restaient prisonniers de leurs principaux interprètes, au détriment des personnages. Ici, le film est libéré de cette problématique par son casting, le laissant faire face à des problématiques formelles propres. L’aspect graphique, des formes rondes aux couleurs pastel peut-être un peu trop lisses, est pourtant convaincant. La mise en scène de Louis Clichy et Alexandre Astier ne laisse que peu de temps morts, se réjouissant visiblement de ses possibilités cartoonesques. L’écriture est moins spontanée : l’humour absurde et pince-sans-rire d’Astier retombe parfois à plat. Alain Chabat avait fait plier Astérix face à l’humour des Nuls, Astier, quant à lui, se refuse à posséder vraiment l’univers du petit Gaulois teigneux – s’y refuse… ou n’y parvient pas. Honnête et divertissant, Astérix : le domaine des Dieux vaut donc plus par ses instincts slapstick que par sa rencontre avec l’univers du créateur de Kaamelott.