Le cinéma avait-il vraiment besoin d’un nouveau King Kong ? Non, et les producteurs de ce nouvel épisode des aventures du gorille géant, douze ans après le film réalisé par Peter Jackson, semblent en avoir conscience. Loin d’eux l’idée d’égaler le chef d’œuvre de 1933, de reproduire le kitsch érotique de la version de Guillermin de 1976, ni même de retrouver le souffle épique du film de Jackson. Kong : Skull Island est une grosse machine à engranger des bénéfices, un nanar bourré de créatures toutes plus énormes et effrayantes les unes que les autres, et le réalisateur Jordan Vogt-Roberts et son équipe ont pris le parti d’en rire : ça n’en fait pas un bon film pour autant, mais cela le rend un poil plus sympathique que l’on ne l’aurait imaginé.
Monnaie de singe
L’action se passe dans les années 1970, juste après la guerre du Vietnam. Une équipe de scientifiques menée par John Goodman convainc l’État américain de financer une expédition sur une île récemment découverte au beau milieu de l’océan Pacifique. Alliés à des vétérans du Vietnam, un capitaine baroudeur (Tom Hiddleston) et une photographe (Brie Larson, pas très inspirée pour son premier gros film après son Oscar en 2016 pour Room), les explorateurs n’ont pas encore posé un pied sur l’île qu’ils ont affaire au gros gorille très énervé qui met en pièces la moitié des hélicoptères de l’équipe. Les survivants vont devoir trouver un moyen de s’échapper de cette terre hostile en survivant au maître des lieux, mais aussi et surtout aux innombrables bestioles qui n’ont qu’une envie : en faire leur dîner.
Rien de neuf sous le soleil, donc, mais Kong : Skull Island n’a pas pour prétention de réinventer l’eau chaude. Passé une courte introduction énergique qui donne le ton, et une exposition à périr d’ennui qui n’a pour seul but que de présenter les personnages, le film se lance à toute berzingue dans un festival de grand n’importe quoi qui tour à tour amuse et agace. À grands renforts de clins d’œil racoleurs et d’humour pachydermique sur, pêle-mêle, la bêtise acharnée de l’armée, la veulerie des scientifiques et l’inconscience générale des Hommes, toujours prompts à foutre en l’air la nature autour d’eux (celle-ci se vengera, bien évidemment), le film alterne dialogues stupéfiants d’ineptie (à un tel point que cela en devient parfois franchement drôle, à dessein) et effets spéciaux spectaculaires. L’introduction, au milieu du film, d’un personnage d’ancien soldat de la Seconde Guerre mondiale qui a survécu 28 ans sur l’île (John C. Reilly) le confirme : ce nouveau Kong est une comédie à la limite de la parodie qui lorgne allègrement du côté des serials des années 1960, le charme nostalgique en moins, la débauche de gore en plus.
Jurassic Kong
Si le voyage est parfois franchement divertissant, étonnamment beau par endroits (une scène d’attaque reptilienne dans un cimetière naturel émerveille par sa splendeur plastique et terrifie par son sens du découpage), il n’en reste pas moins ronronnant, égrenant méthodiquement les cadavres comme dans un mauvais slasher et sombrant progressivement dans l’ennui. La grande scène finale, qui voit s’affronter Kong et une autre créature, semble avoir déjà été filmée et vue cent fois. Une scène post-générique sans grand enjeu dramatique n’a pour seul but de laisser entrevoir la possibilité de nombreuses suites avec d’autres créatures : mais sans ce bon vieux Kong, quelle sera la différence avec un énième Jurassic Park ?