Entre janvier 1991 et novembre 1997, sévit à Paris un redoutable prédateur sexuel surnommé le « Tueur de l’est parisien ». Alors que les victimes s’amoncellent, les médias s’emballent, la police piétine et la psychose explose. Dix ans après son premier homicide, enfin confondu par les forces de l’ordre, Guy Georges est arrêté et son procès débute. Entre les deux, sept meurtres et une enquête au long cours qui ont été consignés dans La Traque de la journaliste Patricia Tourancheau, aujourd’hui adapté pour le grand écran par Frédéric Tellier. Avec L’Affaire SK1, le réalisateur se frotte à l’une des affaires criminelles françaises les plus retentissantes.
Une enquête rocambolesque
Alors que l’enquêteur Franck Magne (Raphaël Personnaz) est promu au quai des Orfèvres, il hérite dès son arrivée du dossier Escarfail, un meurtre brutal non élucidé. Tandis que d’autres crimes aux similitudes troublantes surviennent, les enquêtes sont confiées indifféremment à différents services de police, empêchant toute mise en relation des crimes. Persuadé d’avoir à faire à un serial-killer sévissant dans la capitale, Magne tente de recouper des éléments concordants mais la concurrence entre les pôles d’investigation invalide ses efforts. Bien que la désorganisation policière et le manque de coordination entre les services, renforcés par les outils technologiques de recherche encore balbutiants apparaissent évidents, L’Affaire SK1 ne porte jamais de regard critique sur les manquements patents de l’enquête. Cette absence de remise en cause des méthodes (Guy Georges est appréhendé plusieurs fois et relâché alors même qu’il est un délinquant sexuel violent connu de l’institution policière) pèse sur le long métrage, préférant mettre l’accent sur l’historicité des faits, plutôt que choisir un angle d’attaque scénaristiquement viable. Le public assiste alors à une débâcle pathétique de la police, entre guerres intestines, batailles d’ego et incompétence, le tout couvé par le regard soi-disant objectif de Tellier, à la limite de la complaisance.
Hors champ
Si L’Affaire SK1 ne remplit pas ses objectifs de film d’enquête, faute d’un recul inexistant face au naufrage policier, il ne comble pas pour autant son cahier des charges de polar. En s’interdisant toute représentation des agressions (le spectateur ne découvre que les scènes de crime a posteriori), le réalisateur oublie que le cinéma est affaire de fiction. Quand bien même le matériau d’origine s’ancre dans la réalité, le travail d’un cinéaste n’en demeure pas moins de s’insinuer dans les failles de celle-ci, de traîner sa caméra là où l’œil humain n’a pas droit de cité. À la différence de Zodiac de David Fincher, qui s’emparait lui aussi d’un fait divers sanglant ultra connu, L’Affaire SK1 se refuse à épouser le point de vue du tueur, éradiquant de fait l’horreur, la peur ou l’émotion que son récit devrait susciter. Reste alors un compte-rendu froid comme un procès-verbal, sans enjeu (on connaît la fin de l’histoire), ni point de vue. Bien que la partie procès, portée par Nathalie Baye interprétant Frédérique Pons l’avocate de Guy Georges, soulève de justes interrogations quant à la défense d’un tel criminel ou la nécessité absolue des aveux pour les familles des victimes, elle ne parvient pas à équilibrer un film trop informatif et didactique.