Julie Delpy, charmante actrice au demeurant, n’en est pas à son premier forfait de réalisatrice : après une comédie détournant bien trop peu ses clichés pour être bien honnête (Two Days in Paris), la voici de retour devant et derrière une caméra peu inspirée pour nous conter l’histoire alléchante d’un Dracula au féminin. Ne sachant exposer ni l’horreur ni l’ambiguïté de son personnage, Julie Delpy tombe dans la fadeur. Ni peur ni mal.
Bien lointaine semble la froideur comique du Bal des vampires de Roman Polanski, ou même l’humour grinçant d’Entretien avec un vampire de Neil Jordan, quand on se retrouve devant la Comtesse de Julie Delpy. On peut noter cependant le courage de la « réalisatrice » qui, après s’être frottée mollement à la comédie sentimentale dans son premier film, Two Days in Paris, tente de franchir le Rubicon du film d’horreur historique. Elle n’a malheureusement aucune maîtrise de l’épouvante et de la terreur rentrée qu’est censé inspirer son noble personnage. Celui-ci n’est autre que la fameuse comtesse Bathory qui, selon la légende, aurait assassiné plusieurs dizaines de vierges effarouchés dans une région reculée de Hongrie -donc pas très loin des Carpates- pour conserver, grâce à leur sang, l’éternelle jeunesse d’un visage et d’un corps souffrant des outrages du temps. Le problème premier du film de Julie Delpy est d’abord sa tendance au survol, à la compilation : voulant tout dire, elle ne filme jamais vraiment rien. Bathory repousse les attaques de mercenaires étrangers pour s’attirer les faveurs du roi, Bathory a une aventure avec le trop jeune Istvan qui la délaisse et ne s’en remet pas, Bathory a une confidente qui, par amour, va absoudre et cacher ses crimes. Le film apparaît comme un enchaînement de scènes très linéaires qui pourraient contenir un mystère plus profond… mais non. Rien d’autre que de bien factuel ne transparaît de ces images très lisses, très droites, trop descriptives.
Le décor lui-même n’est pas exploité : on imagine bien les possibilités spatiales que procure un château faits de recoins et de parcelles sombres et énigmatiques. Il est toujours temps d’utiliser les clichés de l’horreur pour les personnaliser, mais Julie Delpy ne le prend jamais. De la relation troublante, moralement et sexuellement, d’Anna avec sa maîtresse, elle ne filme que des dialogues sans ambigüités et des larmes presque trop affectées. Mais c’est surtout le personnage de la comtesse elle-même qui se perd dans les limbes de la platitude : engoncée dans des costumes trop lourds et trop encombrants, elle n’apparaît jamais réellement dans toute son horreur. Quelques scènes, qui semblent donc complètement hors sujet, échappent à la balourdise malgré tout, notamment lorsque Julie Delpy, qui incarne la comtesse, se filme sans fard dans une lumière diffuse, lorsqu’elle décide de mettre à nu son visage angélique emprunt de la noirceur des meurtriers. Encombrée de décors et d’anecdotique, sa comtesse reste pourtant bien fade tant elle s’acharne à ne poser aucune question. La motivation de ses crimes est simple, mais les conséquences engendrées par sa terreur de la décrépitude ne sont jamais vraiment évoquées. On assiste au crime, on assiste au châtiment. Entre les deux, point de nuance, point d’atmosphère, point de complexité. Ainsi la Draculette que Julie Delpy semble rêver comme une féministe avant l’heure n’est-elle pas vraiment un personnage. Elle ressemble plutôt à une femme rongée par des doutes de quadragénaire qui aurait joué un peu trop brutalement avec les accessoires d’un film de vampires.