« Oh qu’il est mignon le cochon ! » s’exclame une jolie tête blonde dans une salle de projection parisienne. « Oh le petit chat, maman, le petit chat ! » poursuit sa jeune voisine et toutes en chœur : « Beurk, j’aime pas les serpents ! » Bienvenue dans La Vie sauvage des animaux domestiques. Il existe des livres pour apprendre aux angelots les noms et bruits des animaux de la ferme ; il y a désormais ce film.
Quand Jacques Perrin s’intéresse à l’océan (Océans), il tourne pendant des années, s’entoure d’une équipe colossale puis ramène avec lui des images inédites comme ces millions d’araignées de mer se chevauchant telles une armée, une fois l’an, près de la baie de Melbourne. On peut tout lui reprocher (la médiocrité de son scénario, ses honteux financements, son envahissante voix-off) excepté le miracle de ses rencontres entre l’homme et la nature. À plus petite échelle et de manière plus artisanale – ce qui n’est pas pour nous déplaire –, le réalisateur Dominique Garing filme autrement : il préfère tourner en Bourgogne, dans une ferme, avec des animaux connus et une question en tête : Que devient un animal domestique sans maître ? Ne plissez pas les sourcils, c’est une question sérieuse. Serge Lalou (producteur de ce documentaire) signe déjà des collaborations avec certains réalisateurs amoureux des bêtes dont Nicolas Philibert (auteur de Nénette, l’histoire d’un orang-outan au jardin des plantes puis Un animal des animaux, qui s’intéresse à la galerie de zoologie du Muséum d’Histoire Naturelle). Au-delà de ça, il produit aussi Luc Moullet, Avi Mograbi, Arnaud des Pallières, Ari Folman. Son engagement auprès de réalisateurs indépendants laissait présager de bonnes choses même si le titre et l’affiche de ce film se rapprochent bien plus du célèbre Babe de Chris Noonan que d’un quelconque essai sur le langage de l’animal chez Montaigne. Deux cochons affamés, un chat surnommé « le tigre », une poule noire sans domicile fixe, un étalon amoureux, un hérisson perturbé, et le film commence. Adultes sans enfants, fuyez.
« Au départ, je voulais faire un film pour mes enfants. J’avais la possibilité de faire des films, alors pourquoi ne pas en profiter et leur faire découvrir les animaux de la ferme » s’explique Dominique Garing. Quelle honnêteté ! Un documentaire (pour enfants), avec de vrais animaux dans une vraie ferme et un soupçon de « French touch » pense concurrencer cet été Toy Story 3, Comme chiens et chats : la revanche de Kitty Galore ou Le Voyage extraordinaire de Samy (tous en 3D s’il vous plaît). Avec plaisir, mais toutes les bonnes intentions ne font pas de bons films. Devinez qui raconte l’histoire ? André Dussollier (de Resnais à Garing, il n’y a donc qu’un pas). Marie-Pierre Duhamel a écrit le commentaire du film. Quel texte ! Quelle audace ! Le fermier tombe malade, les animaux se retrouvent seuls : c’est la crise. Celle du logement, de l’expulsion, on ose les reconductions à la frontière, les nouvelles politiques de territoire. Le texte se veut à l’image du monde actuel : la vie des animaux ressemble à celle des humains, ils mangent, ils se battent, ils s’aiment, ils pouponnent. Aucune cohabitation n’est possible avec d’autres espèces et les hiérarchies demeurent un élément viscéral chez nos amis les bêtes. L’épuisant didactisme de ce film et ses nombreuses facilités scénaristiques achèvent quiconque amoureux du genre animal. Sans parler de la mise en scène. Si les animaux ne sont pas des acteurs, qu’en est-il du réalisateur face à l’animal ? Doutons de Dominique Garing quand, dès les premières minutes du film, une mouche verte (de son vraie nom Lucilia Caesar) se lave les pattes et au plan suivant, un chat se nettoie le museau : la subtilité du raccord nous laisse perplexe. Il ne faut pourtant pas nier les bons points de cette leçon élémentaire : une poule produit quarante sons différents ; un porcelet garde toujours la même tétine ; une chatte défend sa portée (même du père) ; les génisses stériles aiment voler les enfants des autres ; les cochons savent nager et se dirigent toujours vers la terre si bien que les marins les amenaient toujours en éclaireur sur leur bateau. Point d’anthropomorphisme, nous dit-on dans le milieu, des caméras se cachent derrière des buissons ou dans le nid d’une poule, on nous vante la proximité des créateurs devant les créatures pour finalement conclure sur une simple pensée : la domestication n’efface jamais la puissance du sauvage. Ah bon ?