Après Schläfer, un premier long remarqué à Angers et à « Un Certain Regard », Benjamin Heisenberg s’essaie au film de braquage. Inspiré d’un fait divers réel, ce portrait d’un hors-la-loi passionné de course à pied vaut plus par ses scènes d’action maîtrisées à l’américaine que par la psychologie minimale de ses personnages.
Benjamin Heisenberg n’est pas un inconnu dans la nouvelle vague allemande. C’est à lui qu’on doit le scénario du très beau Le Bois lacté de Christoph Hochhäusler. C’est avec ce même Hochhäusler, l’un des réalisateurs qui comptent aujourd’hui outre-Rhin, qu’il a créé la revue Revolver, une des rares parutions cinéphiles existant en Allemagne.
Pour son deuxième long, cet espoir du cinéma européen a choisi d’adapter L’Envolée belle, un roman de l’Autrichien Martin Prinz, narrant les aventures d’un braqueur de banques des années 1970-80, surnommé « Pumpgun-Ronnie », qui avait pour particularité assez fascinante d’être en outre un marathonien de talent.
Après moult exactions, dont l’évasion spectaculaire d’un commissariat, ce malfaiteur athlète finira sur une autoroute, suicidé d’une balle dans la tête, à l’issue de la plus importante chasse à l’homme de l’après-guerre en Autriche avec plus de 450 policiers mobilisés.
Heisenberg et Prinz reprennent les grandes lignes du fait divers pensant tenir un bon sujet. Ils n’ont pas tort a priori, mais ne restent qu’à la surface des choses. Telle est d’ailleurs leur volonté. Pour eux, la personnalité du braqueur n’a que peu d’importance. Ils ne cherchent donc pas à l’expliciter. Ils veulent au contraire creuser son vide intérieur, le rendre presque ectoplasme. D’où ce maquillage blanchâtre qu’arbore l’acteur principal, Andreas Lust, peu emballant il faut bien le dire.
Le dispositif fonctionne par moments jouant sur la sidération du spectateur devant un héros aussi cadenassé de l’intérieur. Mais bien souvent l’ennui guette faute de pouvoir entrer en empathie avec lui et de suivre ainsi sans frustration son destin en marche. Les deux auteurs ont senti le problème et lui rajoutent une menace en la personne d’un agent de probation omniprésent, ainsi qu’une histoire d’amour qu’ils développent par rapport à celle déjà contenue dans le fait divers.
La rencontre entre Johann, le braqueur, et sa belle, Erika, fait penser au Récidiviste, se produisant l’une comme l’autre dans une agence pour l’emploi. Mais elle n’en pas le charme. L’actrice Franziska Weisz n’est pas en cause, très juste de bout en bout, mais ses attributs psychologiques tiennent en deux lignes. Elle est aussi solitaire que Johann, ce qui les rapproche, elle s’ennuie, d’où l’attrait du danger, et fait des recherches sur sa famille, sans doute sa faille. Mouais…
Les seuls éléments qui fonctionnent vraiment dans Le Braqueur, ce sont ses scènes d’action. La longue séquence des multiples braquages est assez époustouflante, dans de petits périmètres à la The Town, avec une manière très juste de s’appuyer sur la culture visuelle du spectateur, en plaçant hors champ ce qui serait trop convenu de revoir une énième fois à l’écran, tout ce qui de l’ordre du passage obligé dans ce film de genre.
La fuite du commissariat est également bien pensée, bien montée, faisant croître assez subtilement le crescendo dramatique. Idem pour la course en altitude, avec ses torches surgissant de la nuit, cette ascension à grandes enjambées avec le vide surgissant au détour d’un virage. Même les scènes de sexe sont réussies, très sensuelles, Benjamin Heisenberg aimant décidément filmer les corps en mouvement.
Ces qualités le feront sans doute repérer tôt ou tard par les studios américains bien implantés en Allemagne qui le testeront aux commandes de quelque remake. La filière est connue et a donné à Hollywood plusieurs de ses réalisateurs d’action les plus rentables, souvent au détriment de la qualité de leurs œuvres, Wolfgang Petersen n’ayant jamais été aussi bon qu’avec Das Boot. Quoi qu’il en soit, Le Braqueur ne restera pas dans les annales, et Un après-midi de chien conserve haut la main son titre de meilleur film de braquage de tous les temps.