Adapté du roman de Timothy Findley, Le Dernier des fous prend le risque de dépeindre la folie chez l’enfant. Un tel pari, terriblement osé, demande une grande rigueur de mise en scène et d’interprétation. En fait de rigueur, le style de Laurent Achard tend plutôt à l’indigence, tandis les acteurs semblent assez peu concernés. Mille fois dommage.
Martin, 11 ans, passe ses vacances d’été dans la ferme familiale où, autour de la mère cloîtrée et violemment misanthrope et du grand frère suicidaire et suprêmement dandy, la famille est à couteaux tirés. Cherchant à garder son équilibre, Martin se réfugie auprès de son chat et de la bonne, la seule à rester saine d’esprit. Mais l’attrait de la folie est si fort…
Terriblement malsaine, l’idée de départ du Dernier des fous laissait présager un film sombre, difficile, pourvu que l’interprète du jeune garçon ait été à la hauteur. Hélas, le jeune Julien Cochelin, malgré un regard étrange et curieusement absent, ne parvient guère à donner corps aux tortures intérieures qui affligent son personnage. Le réalisateur Laurent Achard, quant à lui, affecte une mise en scène des plus dépouillées, statiques et froides, mais n’est pas Faux-Semblants qui veut. Voulant évoquer la démence cachée en toute personne trop solitaire, le film ne suscite que l’ennui.
Si la majeure partie des interprètes du film semble ne pas savoir ce qu’elle fait là, il convient cependant de noter la remarquable performance de Pascal Cervo dans le rôle du frère écorché vif de Martin, une interprétation d’une douloureuse intensité qui force l’admiration. Les autres acteurs paraissent effrayés à l’idée de devoir se prêter à la folie latente des scènes qui précèdent le drame final : tous semblent vouloir substituer à la tension de leurs personnages une apathie sans saveur. De la même façon, la mise en scène a très souvent recours à des plans fixes, géométriques, à l’équilibre pesant, le tout dans le décor dépouillé d’une ferme usée et déliquescente. Seul moment de grâce : la mise en images de l’étage, lieu sacré et inexpugnable de résidence de la mère de la famille. Tout en couleurs vives et unies, il contraste avec le reste de la ferme, livide, filmée en huis clos, dans intention manifeste de créer un espace fantasmé, refuge de l’espoir du petit garçon de voir sa mère revenir vers lui. Une idée superbe, dont on aurait préféré qu’elle inspire tout le film.
Là où le roman se focalisait sur l’intériorité de plus en plus aliénée du petit garçon, le film prend le parti d’un huis clos qui l’étouffe, de l’endroit comme métaphore de la psyché de l’enfant. Dans un désir de faire ressentir avec plus d’acuité encore son isolation toujours plus forte, la première partie du film multiplie les séquences centrées sur la façon dont le monde extérieur le rejette progressivement. Ces scènes, hélas, voulant illustrer la psychose, sont à la fois trop répétitives, trop décousues, et évoquent finalement plus quelques souvenirs épars de vacances ensoleillées qu’une aliénation progressive par la solitude. Laurent Achard, enfin, persiste, après son premier film Plus qu’hier, moins que demain, à ne pas utiliser la musique, pour finalement amener le vacarme final comme une image paroxystique de la folie qui afflige toute la famille. Mais là encore, un jeu d’acteur monstrueusement ampoulé dû à une direction excessivement théâtrale brise tout l’effet.
Parti sur les bases d’une idée terrible, avec de très belles intentions cinématographiques, Le Dernier des fous ne rend non seulement aucunement justice à l’aspect hypnotique et vertigineux du roman original, mais il donne le sentiment de se moquer de son auditoire par sa terrible prétention. Laurent Achard, instigateur du projet, coscénariste et réalisateur, porte sans doute, entre une direction d’acteur caricaturale et des choix de mise en scène malheureux, la responsabilité de l’échec du film.