Le nouveau long-métrage de Kim Jee-woon s’inscrit dans un genre à part entière : celui du film centré sur les coulisses d’un tournage. Réalisateur de séries B, Kim Ki-yeol (Song Kang-ho) décide contre toute attente d’effectuer des reshoots express pour transformer son nouveau mélodrame sulfureux en chef‑d’œuvre et enfin déjouer le mépris des critiques. Tout le dispositif du film repose sur l’amusante alternance entre le chaos régnant sur le plateau (une actrice est secrètement enceinte, les agents de censure du gouvernement menacent d’empêcher le tournage, etc.) et les images, en noir et blanc, que le cinéaste parvient bon gré mal gré à mettre en boîte. Sur ce point, Ça tourne à Séoul ! se permet d’ailleurs d’être assez peu rigoureux (au lieu d’épouser strictement le point de vue de la caméra de tournage, le « film dans le film » apparaît déjà monté et accompagné de musique) pour accentuer la rupture de ton lorsqu’un élément indésirable fait irruption dans la scène. À l’exception d’une séquence réjouissante où l’équipe entreprend de mettre en scène le spectaculaire climax en un seul plan, l’articulation entre les deux régimes se limite principalement à la répétition d’un même gag (la prise s’interrompt et l’intensité retombe brutalement), sans que l’écriture ne creuse davantage la porosité de la mise en abyme.
À l’image de son alter ego cinéaste (dont il partage le nom et qui, comme lui, a débuté dans le cinéma comme assistant-réalisateur), Kim Jee-woon signe ici un film assez verrouillé et un brin simpliste : c’est en domptant le chaos du plateau que Kim pourra donner corps à ses visions. Si le récent Coupez ! de Michel Hazanavicius constituait une ode, assez mièvre, au collectif et à la débrouille, Ça tourne à Séoul ! croit dur comme fer à la démiurgie du réalisateur qui, contre vents et marées, mène sa barque sans s’ouvrir aux aléas du réel. Kim Jee-woon reconstitue d’ailleurs, dans la dernière séquence où est projeté le long-métrage finalisé, le plan-séquence tourné plus tôt avec grande difficulté, affichant dans le même temps la maestria du personnage de Song Kang-ho et celle de sa propre mise en scène. Dans un épilogue étrangement auto-satisfait, tout le monde se lève alors pour applaudir, sauf Kim, mutique face à son « chef‑d’œuvre ».