Le Discours de Laurent Tirard, adapté d’un roman à succès de FabCaro, se fonde sur une série de « pauses ». D’abord la pause sentimentale qu’impose Sonia (Sara Giraudeau) à Adrien (Benjamin Lavernhe) dans la scène d’ouverture, puis les pauses « mentales » qui structurent le rythme de la comédie. Adrien, coincé dans un dîner de famille, attend précisément une réponse de sa conjointe après l’envoi d’un SMS qui rompt une trentaine de jours de silence dans leur relation suspendue. Une suspension qui s’étend au cadre de la réunion familiale, où le personnage fait « pause » pour commenter les traits de caractères de sa sœur, de son futur beau-frère, de son père et de sa mère. Mais aussi, pour se projeter dans le discours qu’il doit donner au mariage de sa sœur, et replonger dans divers souvenirs. La structure narrative n’est pas sans évoquer celle d’une bande dessinée (FabCaro est d’ailleurs aussi auteur de BD), tant la mise en scène de Tirard s’articule autour de vignettes un peu plates distillées dans un montage conçu comme un feuilleté.
Parce qu’il peine à trouver un équilibre entre comédie et mélancolie, ce principe ne convainc jamais vraiment, la faute aussi à la pauvreté du scénario, qui réduit les figures secondaires à des fonctions et des manies, et dans le même temps accorde une place omnipotente – voire quasi démiurgique, par son aptitude à prendre à sa guise le contrôle des scènes – au personnage principal. Or Benjamin Lavernhe, autrement plus convaincant dans une autre comédie découverte il y a quelques mois, Antoinette dans les Cévennes, se voit ici corseté dans un rôle ingrat, tout en adresses au spectateurs, traits surexpressifs et gêne artificielle. Comédie pas très drôle, Le Discours est en revanche, mais involontairement, un documentaire sur l’enfer de ces dîners familiaux qui n’en finissent pas, où se répètent les mêmes rituels et les non-dits pesants, où l’on dit une chose tout en pensant une autre. Initialement prévu pour les fêtes de fin d’année, c’est un drôle de film de Noël qu’a signé Laurent Tirard.