Le Moine ressemble fortement à un Nom de la rose du pauvre : mise en scène plan-plan, interprétation balourde, effets spéciaux kitsch et ringards, intrigue grotesque et cousue de fil blanc. Emballez le tout sous couvert de film de genre, avec moult références démoniaques et une pincée d’érotisme toc, sans oublier une tête d’affiche célèbre (Vincent Cassel), et vous obtenez une belle arnaque.
À qui la métaphysique chrétienne du dernier film de Terrence Malick a donné des poussées d’urticaire, on ne peut que conseiller la vision de ce Moine qui, sur ce terrain, se pose en remède tant la thématique de la religion y est traitée avec une lourdeur réactionnaire à peine croyable. Tout ici se pose en petit guide de la culpabilité chrétienne et du péché. On comprend pourtant clairement ce que Dominik Moll a voulu faire, tant il l’assène à longueur de récit : un film de genre traversé par des enjeux d’une grande ampleur, où les thématiques du bien et du mal se développent à travers une dialectique de mise en scène basée sur l’opposition lumière/obscurité. Question finesse, on passera donc aisément son chemin car, sur le même ton, il est de bon aloi de considérer que le péché est forcément celui de chair, et la femme en question, une servante du démon.
Adapté d’un des ouvrages précurseurs du roman gothique (Le Moine de Matthew Gregory Lewis, publié en 1796), Dominik Moll a donc recours à toutes les figures de proue du genre : le religieux face au démon, le monastère ressemble à un château, des secrets enfouis viennent rejaillir dans le présent, une jeune nonne pactise avec le diable pendant qu’une autre est incarcérée et poursuivie par l’inquisition…Ce qui donne lieu à un sympathique catalogue répertoriant les passages obligés pour qui voudrait se lancer dans la littérature gothique, mais provoque à l’écran un défilé grotesque et sans grande cohérence. Malgré les progrès techniques en termes d’effets spéciaux dits « d’ambiance », l’imagerie gothique reste une matière à manipuler avec délicatesse et parcimonie, en évitant par exemple l’abus de ciels orageux, de flammes qui vacillent ou de cimetière brumeux avec apparitions fantomatiques.
Si l’on y ajoute quelques sous-intrigues annexes qui ne font que diluer un suspense déjà malade, et un twist final totalement surfait, on finit d’achever le produit. Dominik Moll ne fait que retarder les échéances avec des épisodes ratés pour conserver un poil de mystère (un moine masqué dont l’identité est inconnue, une jeune nonne enceinte, un rêve récurrent…), et rend le film d’autant plus souffrant que l’on a l’impression d’avoir toujours une longueur d’avance sur le récit. Il ne reste que la figure de Vincent Cassel à laquelle se raccrocher, dans un rôle à l’exact opposé du démoniaque chorégraphe de Black Swan. De lui voir confier un personnage qui requiert une retenue et une intériorité jusque-là rarement exploitée provoque quelques instants vaguement intrigants, à défaut de réussir à pousser l’intérêt plus loin que la simple performance d’acteur, sachant que les seconds rôles sont tous extrêmement mal dirigés.
Dominik Moll s’intéresse exclusivement à la montée insatiable de la libido de son moine, avec une propension à véhiculer des clichés de mise en scène d’une platitude désarmante (des flammes en surimpression pour évoquer l’enfer et la damnation). C’est d’autant plus absurde que le discours chaste du film est ponctué de quelques scènes érotiques qui viennent valider une hypothèse plus proche du slogan publicitaire que de la morale : « Ce sont ceux qui en parlent le moins qui en mangent le plus. » Le Moine fera donc un malhonnête film du dimanche soir pour France 3. Pour la deuxième partie de soirée.