Si les films de sabre japonais se font rares de nos jours, on ne peut que se réjouir de voir sortir sur nos écrans le relativement récent (2002) Le Samouraï du crépuscule de Yôji Yamada. Se démarquant nettement des productions plus à la mode qui nous viennent habituellement du Japon, le film reste en-dessous de nos espérances, notamment en raison d’une mise en scène peu expressive qui n’arrive pas à supporter un sujet trop lourd.
Le prestige cinématographique du Japon, tout comme celui de la France, a beaucoup décliné ces dernières années en raison d’une identité qu’il peine à renouveler sous le poids de son glorieux passé. Le cinéma japonais continue néanmoins sa percée cinéphilique en France à travers une poignée d’auteurs décalés (Takeshi Kitano, Shinya Tsukamoto, Sogo Ishii), quelques réalisateurs de films d’horreur esthétisants (Takashi Shimizu, Hideo Nakata, Kiyoshi Kurosawa) ou les films provocateurs de Takashi Miike. Seul le cinéma d’animation avec des cinéastes tels que Hayao Miyazaki ou Mamoru Oshii préserve un niveau de qualité réellement digne de la cinématographie très riche de ce pays. Parmi ces films exportés, une œuvre comme Le Samouraï du crépuscule fait figure d’exception tant il semble renouer avec un genre japonais que l’on croyait révolu : le jidai geki (film d’époque en costumes). Plus connu en France à travers les films d’Akira Kurosawa, Tomu Uchida ou Kenji Mizoguchi, le jidai geki est aujourd’hui devenu un genre très répandu à la télévision japonaise après son déclin à la fin des années 1970.
Vers la fin de l’ère d’Edo (1603 – 1868), Seibei Iguchi, un samouraï de petit rang et jeune veuf, voit sa vie se partager entre les tâches administratives de son fief, l’éducation de ses deux jeunes filles et l’entretien de sa mère sénile. Tâchant de survivre avec son modeste salaire, il s’est reclus, se coupant de toutes relations sociales avec le reste de sa famille, qui ne le soutient guère, et avec ses collègues, qui le surnomment « Seibei crépuscule ». Ce personnage mystérieux s’avère en réalité un bretteur d’exception, qui tente de dissimuler ses talents jusqu’au jour où un duel l’oblige à les dévoiler. On peut voir dans cette histoire une volonté de raviver le genre en métaphorisant sa disparition, à la manière d’Impitoyable (1992) de Clint Eastwood qui en finissait avec le western. Seibei Iguchi, le « samouraï crépusculaire », réticent à dégainer son sabre à une époque changeante où les samouraïs perdent de leur utilité (la fin de l’ère d’Edo mit un terme au système féodal), va devoir servir son maître à contrecœur dans un ultime affrontement contre un samouraï renégat (qui a refusé d’obéir aux ordres).
Montrer la fin des samouraïs pour filmer la fin d’un genre cinématographique est la grande ambition de Yamada. Renouant avec un découpage qui privilégie les plans longs, les cadres d’ensembles et les mouvements de caméra fluides, il apporte un soin tout particulier à sa réalisation. Mais la mise en scène, dans un souci de clarté excessif, se repose sur la signification de son scénario, l’illustrant de manière démonstrative. L’utilisation de la voix off de la fille cadette de Seibei, qui narre le film, souligne le sens de certaines scènes de façon appuyée et superflue. De même, l’intervention de la musique semble n’être qu’un complément émotionnel à l’image. Mais surtout, Yamada dirige ses comédiens vers des retranchements outranciers qui, faute de subtilité, sombrent dans un jeu parfois grotesque et caricatural. Ces maladresses formelles mettent alors en évidence celles du scénario qui a recours à des facilités dramatiques pour renforcer son intensité (Seibei refuse d’abord d’épouser son amie d’enfance dont il est amoureux, pour ensuite revenir sur sa décision) et à des dialogues explicites qui exposent les situations et les états d’âme. S’il est une œuvre minutieuse et sans esbroufe, Le Samouraï du crépuscule n’en reste pas moins limité par son approche esthétique télévisuelle qui n’est pas à la hauteur de son ambition. Ce « syndrome », qui touche de plus en plus le cinéma mondial, n’épargne manifestement pas le Japon et ses luxueuses productions.