Disons-le tout de suite : Kabei (notre mère) n’est pas un grand film. Ce qui ne l’empêche pas d’être parfaitement agréable, un véritable plaisir de spectateur qui assume avec élégance son pedigree de mélo conçu pour faire verser des torrents de larmes. Présenté au dernier festival de Berlin, ce nouveau film d’un réalisateur japonais plutôt méconnu chez nous, Yôji Yamada (plus coutumier des films de samouraïs) narre l’histoire d’une famille japonaise de la banlieue de Tokyo au début des années 1940 : le père, professeur et écrivain, est emprisonné pour ses idées un peu trop marquées à gauche et la mère se retrouve seule avec ses deux petites filles. Avec le soutien d’un ami de son mari, d’une cousine étudiante et d’un oncle un peu rustre, cette véritable mère courage va affronter un quotidien difficile marqué par l’Histoire.
Si Kabei peine à décoller, c’est principalement à cause de l’académisme de sa mise en scène, sage succession de plans fixes très beaux mais un peu vains, la plupart du temps limités au foyer modeste mais si charmant de cette petite famille. Les gamines sont craquantes, les comédiens sont parfaits, la balance entre réflexion historique (intéressante mais peu développée), humour et drame est respectée. Mais l’ensemble reste bien trop sage pour emballer totalement : on hésite constamment entre l’ennui poli et l’émotion facile, Yôji Yamada n’ayant ni la force épique d’un Sydney Pollack, ni le glamour flamboyant d’un Douglas Sirk. Tout cela reste en surface, comme si le cinéaste avait peur de fouiller un peu trop dans la psyché de son héroïne. Du coup, le film semble sortir d’un autre temps, totalement vidé de toute ambiguïté. Aussitôt vu, aussitôt oublié, même si la gourmandise se laisse déguster avec un plaisir presque coupable.