En ces temps de devoir de mémoire, Les Femmes de l’ombre tombe à pic : toute la qualité française est mobilisée pour rappeler les sacrifices de nos résistantes. Si seulement les propos louables pouvaient suffire…
Nous voilà plongés en 1944 dans les bureaux du SOE – sorte d’unité spéciale créée par Churchill pour les missions anti-nazis – à Londres. C’est ici que Louise, veuve de son mari résistant, s’engage afin de rapatrier un géologue anglais enfermé dans un hôpital allemand alors qu’il explorait les plages normandes pour préparer le Débarquement. Pour ce faire, elle doit constituer une équipe de cinq femmes recrutées à l’aide de son frère, résistant lui aussi, selon des critères divers et variés ; finalement, ce seront Suzy, Gaëlle, Jeanne et Maria, Italienne qui les attend en France. Évidemment, l’embuscade va mal tourner et nos cinq demoiselles vont se retrouver à Paris aux prises avec le colonel Heindrich, un adversaire de taille qui commence à flairer le plan des Alliés.
Tout d’abord, essayons d’accepter les présupposés nécessaires à ce genre de films historiques : nos chères jeunes femmes seront toutes héroïques, impavides, prêtes à tout pour libérer leur pays de l’ennemi. La charge héroïque, les wonder women, les drôles de dames sont composées de : Sophie Marceau (alias Louise la meneuse), psychorigide qui en fait est gentille parce qu’au fond elle est fragile ; Julie Depardieu (alias Jeanne la rigolote), brute de décoffrage qui cache sa profonde sensibilité ; Marie Gillain (alias Suzy la jolie), celle qui veut juste draguer mais qui était juste innocente ; Déborah François (alias Gaëlle la chrétienne), très prude, et qui trouve quand même le courage de lâcher ses copines ; Maya Sansa (alias Maria l’endurcie), celle-là on ne sait pas trop parce qu’on ne la voit jamais, à part quand elle est au téléphone ou qu’elle gère l’équipe, mais elle n’a pas l’air marrante – en plus elle est italienne alors… À la base, elles sont toutes normales comme vous et moi, mais bien sûr ensemble tout devient possible ! Merci, on le savait – surtout depuis mai 2007… Elles sont bien, nos Spice Girls, hein ?!
Non, restons sérieux car il s’agit d’Histoire et on ne rigole pas avec la Seconde Guerre mondiale. Comme s’il en était conscient, Jean-Paul Salomé est obligé de ponctuer son film d’images d’archives nous signalant qu’il est en train de se passer quelque chose d’important. Merci, ça aussi, on le savait et on n’arrête pas de nous le rappeler. Non pas que le sujet soit inintéressant, la résistance des femmes étant peu abordée en général, mais les bonnes intentions pédagogiques commencent à devenir relativement surfaites. Il aurait été autrement plus innovateur de creuser les rapports ambigus entre les activités anglaises et françaises, puisqu’on nous laisse entendre qu’elles ne travaillaient pas toujours en totale harmonie. Mais peut-être a‑t-il préféré ne pas s’attarder sur des mérites trop étrangers pour célébrer notre chère patrie si fière et intègre. Par ailleurs, il faut dire que tout est là pour réussir un bon film dans la tradition de qualité française, pour emprunter l’heureuse formule de Truffaut promise à un avenir toujours aussi radieux : les stars maison sont au rendez-vous, les autres sont tous très méchants, le scénario marche et il est inspiré de faits réels, l’image est bien lisse, et en plus ce n’est même pas trop long ! Cela dit, les films d’Autant-Lara restent tout de même meilleurs.
Tout ça est très louable et sans doute parfait pour remplir les critères de programmation en prime-time sur TF1, pourtant l’esprit n’y est pas vraiment et Les Femmes de l’ombre ressemble plus à un devoir sincèrement rempli, vite fait bien fait, qu’à un film original. À la limite ça passe mais sans laisser de traces. La Seconde Guerre mondiale ne devrait pas avoir de mal à rester plus mémorable que ce film. Mais ça aussi, on le savait.