Maradona n’est pas le véritable titre du dernier Kusturica, mais Maradona est bien le protagoniste du documentaire de Kusturica dans lequel celui-ci apparaît et qui en réalité s’appelle : Maradona par Kusturica… Un film portraitiste ?
À l’origine du documentaire : une impulsion d’Emir Kusturica née de sa fascination pour Diego Maradona. Le cinéaste serbe donne une représentation fragmentée, presque « cubiste », du footballeur argentin. Peu à peu, la star du ballon rond devient, sous le prisme de l’œil ovale de Kusturica, une star de cinéma. C’est un peu comme la rencontre fantasmée et improbable d’un réalisateur avec son personnage, le croisement de deux personnalités, sous la forme d’un parallèle entre les cultures balkaniques et latines. Le héros Maradona, qui pourrait appartenir à un film de Sergio Leone ou de Sam Peckinpah, a un rôle sur mesure qu’il doit à sa surprenante biographie, car l’homme est « acteur de sa vie ». Kusturica ne laisse rien en touche : il énumère les multiples facettes d’un enfant des bidonvilles, devenu grand sportif, militant, drogué… et idole, au sens propre. Malheureusement, le cinéaste expose davantage les thèmes qu’il ne les travaille. Ils restent en surface, peu développés, le film n’honore pas sa durée.
On reconnaît toutefois la fantaisie propre à Kusturica dans les séquences burlesques sur la religion « maradonienne », et également avec les courtes animations dans lesquelles le match de foot devient la métaphore des rapports de force géopolitiques. En rupture avec l’esthétique globale du film, ces artifices se réfèrent à l’imaginaire prolifique qu’on lui connaît, ici un peu décharné. En général, le film manque d’énergie. Et ce n’est pas la compilation des meilleurs buts de Maradona sur fond de musique rock qui dynamise un ensemble qui préfère l’errance au « droit au but ». En effet, le sujet original de Kusturica semble lui glisser entre les doigts. Maradona la star, se met toujours en scène, donnant aux interviews du film un air de plateau télé. Les confidences sont superficielles : jamais on ne perce autre chose que l’image publique. Cette image populaire est certes touchante, mais le documentaire ne propose malheureusement aucun contrepoint. Le film devient une sorte d’hommage à destination des fans, et il souffre de son unilatéralité.
Le film en train de se faire présente en partie les initiatives du documentariste, parfois mises à mal par la paradoxale distance qu’installe la star du football. C’est à se demander si Kusturica et Maradona jouent dans la même équipe pour le même film. Ainsi, parce qu’il se place principalement du côté des intentions, le documentaire est davantage une esquisse qu’un portrait. Et ce, au détriment de l’émotion : la séquence où Diego revient dans le bidonville où il a grandit est bien fade. Soyons sport : le film est audacieux, culotté. Soyons cinéma : il n’en reste pas moins que le film cherche sa forme de bout en bout sans jamais la trouver. Finalement, le spectateur se contentera de la déception du supporter après un match nul : toutes les conditions étaient réunies pour de l’action, mais elle reste pourtant sans résultat.