Chat noir chat blanc, le « film de la résurrection » de Kusturica après la honteuse polémique tissée autour de sa palme d’or Underground, connaît enfin aujourd’hui les honneurs d’une édition digne de ce nom en DVD. Si la pertinence des bonus en regard du film lui-même reste douteuse, ceux-ci sont avant tout l’occasion de connaître un peu l’iconoclaste réalisateur aux deux palmes d’or.
Sept ans après une édition risible et passablement anémique chez TF1 vidéo, Chat noir chat blanc revient dans les bacs de DVD, sorti cette fois chez MK2. Comme on pouvait s’y attendre, le sérieux et la rigueur sont cette fois au rendez vous, avec un beau coffret rempli de bonus qui, malgré tout, manquent un peu leur cible.
Des deux DVD présents dans cette édition, le premier se contente, si l’on peut dire, de proposer le film, une présentation de celui-ci et sa bande annonce. La présentation du film, succincte mais précise, possède le mérite de repositionner le film dans l’œuvre de son réalisateur avec une objectivité et une efficacité remarquable. Probablement pour ce film plus que pour tous les autres de son réalisateur, il importait de remettre sa sortie en contexte, entre la guerre qui déchire la patrie du réalisateur, et la polémique qui avait entouré la sortie de son précédent film, Underground, accusé par Finkielkraut, B.-H.L. et une partie de l’intelligentsia hexagonale d’être une apologie pro-serbe camouflée sous des dehors artistiques. Ainsi, se voir rappeler à l’orée du film à quel point celui-ci devait être pour son réalisateur le retour à un cinéma qu’il avait dit vouloir abandonner permet une lecture plus pertinente encore.
Le second DVD concerne les bonus à proprement parler. Le morceau de choix de cette édition est le documentaire de 2004 de Marie-Christine Malbert, Kusturica, tendre barbare qui suit les pas du réalisateur sur le tournage et pour la présentation à Cannes de… La vie est un miracle. Si suivre les pas de Kusturica sur le tournage de son dernier film en date (le prochain, Promets-moi, est annoncé en fin d’année) est évidemment un voyage intéressant, on peut cependant s’étonner que le documentaire ne se trouve pas associé au film qu’il chronique. En l’état, entre certains de ses collaborateurs exprimer chacun leur tour le chaos, la tendresse et la compétence qu’ils ont vécu, venant de Kusturica, reste un regard intéressant, mais étrangement détaché. Jeanne Moreau, grand soutien du réalisateur à l’époque de la polémique Underground, et sa fille Danja Kusturica, viennent compléter la liste des invités sur ce documentaire qui propose malgré tout une plongée bienvenue dans l’univers passionné, entier et magnifiquement chaotique d’Emir Kusturica.
À ce documentaire, long de 50 minutes, sont adjoints un essai d’analyse filmique sur Chat noir chat blanc, intitulé Un conte gitan, et qui propose une lecture superficielle et par trop rapide du film, en se servant des images comme support. Affirmant dès le départ que Chat noir chat blanc est pour son réalisateur un « film paradigme », l’essai tente de légitimer ses affirmations sur les constantes de l’œuvre filmique entière en prenant Chat noir chat blanc en exemple particulier. Une curiosité donc, et rien de plus, que cet essai qui a pour mérite, cependant, d’offrir les clés d’une première approche du réalisateur aux néophytes.
Deux rockers chez les gitans complètent les bonus de ce DVD avec une interview intéressante et qui paradoxalement, nous en apprend plus sur Chat noir chat blanc, et sur Kusturica pendant ce tournage, que tous les autres compléments proposés. On peut y rencontrer Nele Karajilić et Dejan Sparavalo, deux membres du groupe No Smoking Orchestra, dont fait partie Kusturica et qui compose la musique de ses films depuis Chat noir chat blanc. Ce n’est que justice que de donner la parole à ces musiciens dont l’œuvre reste souvent – et à tort – associée à l’ex-compositeur attitré de Kusturica, Goran Bregović.