Marion, le nouveau long-métrage de HPG (qui le produit et le distribue tout seul, le soutien habituel Capricci n’étant cette fois pas de la partie), prolonge d’une étrange façon la posture d’équilibriste dans laquelle son auteur et acteur principal se complaît, entre star du cinéma X et intrus dans le cinéma « traditionnel ». La démarche s’annonce dès la scène d’ouverture : un certain Gus ne faisant pas mystère de sa cinquantaine (comme son interprète HPG) s’échine à essayer de bander tout en s’interrogeant sur la pertinence de ses efforts, face à une jeune fille pulpeuse mais quelque peu indifférente qui porte – détail pas si anodin – un « X » tatoué sur son épaule. Tourné en deux versions, avec et sans plans pornographiques, le film entend tenir tout entier sur des dualités comme celle-ci, propres à brouiller notre appréciation à son endroit. Ainsi, il se laisse lire à la fois comme le récit d’une errance sexuelle rythmée par les coïts, et comme un alignement de scènes calquées sur le X mais parasitées par des dialogues hantés par le doute. Il déroule une fiction dissertant sur la difficulté d’amorcer une aventure sexuelle et de la prolonger à partir d’un certain âge, mais tout en laissant miroiter, en filigrane, une autobiographie d’acteur porno vieillissant s’interrogeant sur son avenir. Il met en scène les performances du corps nu de HPG au contact des femmes en alternant le sexuellement explicite et le burlesque. Il use d’une narration d’abord directe dans sa façon de produire des images explicites, puis fait soudain débouler l’intangible (la voix off, sortie de nulle part, de la fameuse Marion, l’amour perdu de Gus), avant de prendre aussi abruptement une dimension « méta » à la fin.
Cette expérience de brouillage, non seulement de notre perception du film mais aussi de certaines frontières entre types de narration cinématographique, fascine. Mais à l’arrivée, on peut soupçonner HPG de n’avoir, dans son processus de création qui aura duré trois ans, cherché que cela : une expérience, quitte à ce qu’elle ne mène nulle part. C’est qu’entre les moments d’émotion suscités par la surprise de chaque revirement entre ses différentes facettes, tout dans Marion fait l’effet d’une performance vouée à elle-même, que ce soit d’un côté l’apport du porno ou de l’autre les signes lancés à un cinéma plus cérébral et intimiste. Même l’ultime tour de passe-passe, qui voit Gus/HPG retrouver la jouissance – partagée – en s’extrayant du récit qu’il habitait, ne touche et convainc qu’à moitié, car s’il trouve une porte de sortie à son personnage, il laisse sans vraie résolution les questionnements qu’il a fait mine de soulever.