Aborder le cas HPG (Son vit, son œuvre entremêlés, comme l’indique le titre d’un DVD regroupant ses courts-métrages) sous le versant de la paternité et de l’enfance, voici ce que propose Fils de, son dernier film, en un joli pied de nez à tous ceux qui relèguent le corps de l’acteur porno au domaine de la perversion ou de la frustration sexuelle. Sous la forme d’une auto-fiction (déjà explorée avec son premier film, On ne devrait pas exister), HPG se livre devant (mais finalement surtout derrière) la caméra, et visite avec un certain narcissisme les affres du hardeur qui, en bout de route, se pose la question de l’héritage que sa carrière laissera à ses enfants.
Mais ce narcissisme est ici l’envers d’une forme de sincérité qui trouve sa place dans la mise en avant des frictions plus que des satisfactions, et des doutes plutôt que des acquis. Le regard qu’HPG porte sur lui-même s’est souvent développé sans concessions, par le biais de mises en abyme révélant tour à tour sa lâcheté, son inconstance, voire son opportunisme – ici via une scène de tournage de film mainstream où le comédien décide de tout planter à la dernière minute. La métaphore de la mise à nu – du comédien, du hardeur, d’un homme dans sa diversité, de la création, de la mécanique du tournage – constitue donc la première piste d’exploration du film, dont l’excès parfois trop volontaire de sincérité pourrait faire office de révélateur d’une démarche douteuse ; postulat à nuancer lorsque HPG, bien qu’omniprésent et bavard, accorde une véritable attention aux personnages secondaires.
Ludick
C’est à travers la figure du jeu, qui irrigue tout le film, qu’HPG trouve sa planche de salut. Il se présente finalement, presque à son insu, comme un enfant qui cherche à grandir mais ne peut trahir ce qui l’agite profondément : suivre ses instincts et ses envies, comme la plus grande marque d’intégrité dont il puisse faire preuve envers lui-même et les autres, et qui l’amène à considérer toutes les strates de sa vie avec la même implication. Faire le pitre avec ses enfants, se disputer avec sa compagne, aborder son rôle de comédien sont autant d’occasions de mettre à l’épreuve sa capacité à jouer avec ses propres désirs tout en les confrontant à ceux des autres. Cette démarche trouve son aboutissement dans l’espace du tournage de film pornographique (déjà exploré sous son versant stakhanoviste dans Il n’y a pas de rapport sexuel), en opérant, au fur et à mesure des séquences, un retournement dialectique assez malicieux.
Ce ne sont plus des corps que l’on devrait cacher aux yeux du grand public, ni des enveloppes publicitaires retouchées de toute part, mais de grands enfants aux plastiques usées par le temps, nus ou en costumes (de tyroliens par exemple – amusant), qui jouent à explorer différentes configurations de la sexualité, s’exaspérant de la mécanique d’un tournage qui va à l’encontre de leur plaisir immédiat, ou qui doivent redéfinir les modalités de leur implication lorsque la compagne d’HPG émet le désir de rentrer dans la danse. Cette propension à mêler les strates font de cet autoportrait une figure toujours en mouvement, sujette aux remises en cause et aux débordements, traduisant une générosité permettant d’offrir des rapprochements incongrus, notamment dans l’utilisation de la caméra subjective – procédé récurrent dans le domaine du porno, qui implique le spectateur dans l’acte et tente de le faire sortir de sa position de voyeur. Ici, le rapport s’inverse, puisque ce procédé sert de porte d’entrée dans l’intimité d’un quadragénaire en crise, offerte à qui voudra bien la considérer, et constitue ce qui habituellement reste à l’écart du champ pornographique.