C’est l’été, et les traducteurs français de titres anglo-saxons en profitent pour s’amuser gaiement: après Wanted: choisis ton destin, Spartatouille (qui, en anglais, n’était qu’un banal Meet the Spartans), voici Medieval Pie, titre en anglais donc, quand l’original américain se résumait à Territoire vierge (Virgin Territory). On s’attend donc à des histoires graveleuses de tartes orgasmiques en plein Moyen-Âge, dans un style plus proche des Visiteurs que de Sacré Graal. Que nenni! À l’origine, Medieval Pie devait être un remake du Décaméron de Pier Paolo Pasolini, ou plutôt vague adaptation de l’une des neuf histoires, celle d’un homme qui se prétend sourd et muet pour s’immiscer dans un couvent. En vérité, Medieval Pie est plutôt un mignon croisement entre un Princess Bride mâtiné d’érotisme plus hollywoodien que british (pays d’origine du film) et de Romeo + Juliet de Baz Luhrmann (pour la bande-son décalée).
Florence, vers le XVe siècle. Cliché hollywoodien: la peste ravage la ville, les femmes portent des robes qui dévoilent à moitié leur poitrine, les peintres peignent des anges sur les plafonds de très belles églises en marbre blanc et rose, et les hommes se battent à l’épée à chaque coin de rue. Lorenzo le héros (pas très Lorenzaccio, mais mignon comme Hayden Christensen), poursuivi par un méchant vêtu de noir (Tim Roth, pas très ambigu), doit quitter la ville. Il se réfugie dans un couvent en prétendant qu’il est sourd et muet pour que des nonnes, frustrées sexuellement, s’ébattent avec lui. Pendant ce temps, la dulcinée de Lorenzo, la très belle Pampinea, fuit les ardeurs du méchant (Tim Roth, toujours), tout en attendant l’arrivée de son promis, un comte russe jouant de la gâchette et habillé de belles fourrures.
De l’amour presque asexué, de beaux duels, des cavalcades à travers la campagne toscane, des vilains pas beaux voulant faire du mal aux gentils: Medieval Pie a a priori tout pour plaire à un public très large, renouant souvent avec la tradition du film de cape et d’épée et de la romance à l’eau de rose. Historiquement, c’est du grand n’importe quoi, mais bien entendu, cela n’a aucune importance. Ce qui frappe plutôt, c’est la volonté ratée du réalisateur d’introduire une certaine modernité décalée à travers l’usage d’une bande originale rap et pop-rock (ce qui ne marche que très rarement, cf. Marie-Antoinette ou Romeo + Juliet pour des exemples extrêmes), mais surtout à travers une érotisation trop grand public ou trop forcée pour ne pas sombrer de temps en temps dans le ridicule, comme dans cette scène où deux campagnardes masturbent deux jeunes gens vierges par pis de vache interposé…
Medieval Pie tente également, sans grand succès, une certaine satire du catholicisme par le biais du personnage d’un faux prêtre revêtant la soutane pour profiter de l’entrée qui lui est donnée au couvent. Cela donne malgré tout des scènes plutôt drôles, comme cette fausse cérémonie de mariage (très inspirée de Princess Bride), où pour retarder les épousailles du méchant et de Pampinea, le prêtre force le futur à aller laver ses ongles noirs, sous peine de démissionner… La réalisation est soignée, quoique plutôt banale, l’aventure conserve un certain souffle, mais l’érotisme de bazar à la Angélique plombe le tout et comme souvent dans les productions anglo-saxonnes du même genre, pêche par une extrême timidité dans la peinture d’une société médiévalo-renaissante aux rapports humains plutôt violents historiquement. Medieval Pie, c’est un peu l’image d’Épinal de l’Italie des Médicis: tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, et comme tout le monde il parle anglais, tout finira pour le mieux dans le meilleur des mondes. Vu et oublié.