« Choisis ton destin » pouvons-nous lire comme sous-titre pas très attrayant de Wanted. Et comme chacun, du réalisateur aux comédiens, se soucie plus ici de faire correctement son travail plutôt que de donner un sens idéologique précis au film, la mauvaise impression que ce sous-titre racoleur pouvait laisser présager se vérifie au fur et à mesure que le film évolue. C’est malin !
Nouveau projet geek estival et nouveau ratage après Hancock. Pourtant il y avait du potentiel, l’histoire étant l’adaptation d’une bande dessinée indépendante de Mark Millar, l’un des scénaristes les plus stimulants (bien qu’inconstant) de l’univers des comic books. Le point de départ, cela dit, est convenu, pour ne pas dire banal : un employé de bureau, mal dans ses pompes, sous-fifre de sa compagne, de sa supérieure hiérarchique et de son meilleur ami, découvre un beau jour qu’il est l’héritier d’une prestigieuse organisation secrète d’assassins, dont son père était l’un des membres les plus éminents, avant d’être tué par un renégat. On voit vite où tout cela veut en venir. C’est une nouvelle fois l’illustration du fantasme geek, celui de passer du statut de loser ordinaire à héros de fiction extraordinaire, complexe œdipien à l’appui. Formule connue, qu’on a pu voir entre autres dans Spider-Man, Matrix ou même Star Wars. Ce qu’on attend alors quand un film officie sur un terrain aussi balisé, c’est un peu de distance, de jeu avec les codes du genre et de dérision dans la mise en scène. Tout ce que Timur Bekmambetov ne fait pas.
Mais qui est-il, ce réalisateur au patronyme si complexe ? Faisons les présentations : né en 1961 au Kazakhstan, il fait ses études à Moscou où il devient l’un des réalisateurs de pub les plus cotés de Russie avant de s’essayer au cinéma en 1992. C’est en 2004 qu’il se fait connaître dans le monde avec Night Watch, film d’action fantastique assez sophistiqué, qui cassa la baraque au box-office russe malgré son très faible budget. Rebelote avec Day Watch, second opus qui s’imposa comme le plus gros succès en salles de l’ex-Union Soviétique. Hollywood ne pouvait pas ignorer pareil potentiel et happa rapidement le jeune cinéaste pour le faire concourir dans son écurie. Si, en roue libre, les élucubrations graphiques de l’ami Timur partent vite dans un délire pas très digeste, peut-être que la très lourde machinerie hollywoodienne, où pas une seule décision n’est prise sans passer par l’accord de toute une armée d’exécutifs, allait quelque peu tempérer ses ardeurs. Et c’est le cas : plus lisible, moins grandiloquent que ses films précédents, Wanted se laisse regarder sans encombre. Seulement, avoir des concepts visuels ne constitue pas tout, encore faut-il savoir les ménager un peu, les rendre porteurs de sens et de sensation. Sinon le film se transforme vite en fête foraine où défile chaque image comme autant de tours de manège. Le syndrome du « une idée par plan » finit par lasser plus qu’il ne stimule. C’est exactement ce qui se produit dans Wanted. Très rapidement, on se rend compte que l’intérêt que porte Bekmambetov aux personnages, à l’intrigue, à cet univers, ne va pas plus loin que la simple volonté d’illustration. Aussi léchée soit-elle, c’est un peu maigre pour nous éveiller. N’est pas Tsui Hark qui veut.
Reste alors à compter sur le casting pour donner un peu d’incarnation à toute cette entreprise. Là non plus nous ne serons pas aidés car s’il est composé d’acteurs honorables, aucun n’a vraiment le talent nécessaire pour apporter à son jeu un certain regard sur son personnage, comme a pu le faire l’excellent Robert Downey Jr dans Iron Man par exemple. James McAvoy aura beau être très investi dans son rôle, la sculpturale Angelina Jolie aura beau suinter le sexe par tous les pores de sa peau, Morgan Freeman aura beau se cantonner au rôle de vieux roublard patriarche auquel il s’est désormais abonné, rien n’y fait. Rien, ni personne, ne parvient à extirper le film de sa forme téléfilmique que la monotonie de l’art appliqué engendre fatalement. Et comme le scénario a pour base douteuse les questions de choix de sa destinée et de talent héréditaire, tout cela réussit même à devenir franchement antipathique. Tenir les rênes d’un blockbuster geek, c’est bien gentil, mais c’est lui donner un minimum de direction qui le rend intéressant. Sinon on ne va nulle part. Logique.