Angelina, Brad… Brad, Angelina… Depuis quelques mois, les acteurs de la comédie Mr & Mrs Smith ont envahi les panneaux d’affichage… et les magazines people. On les attendait donc avec circonspection. Surprise : ils sont tous deux parfaits. L’alchimie évidente de leur couple suffisait à réussir une petite comédie sans prétention. Hélas, Doug Liman, qu’on a connu plus talentueux, en rajoute dans le tape-à-l’œil et l’apologie de la société de consommation.
Ils ont des noms d’Américains ordinaires, mais ne sont rien moins que des Américains ordinaires. Malgré leurs efforts, John et Jane Smith, mariés, aucun enfant, ne seront jamais un couple normal. Il faut dire qu’ils n’ont pas fait les choses dans l’ordre : depuis cinq ans – ou six ans et demi, ils ne savent plus très bien – qu’ils sont ensemble, ils n’ont même pas été fichus de s’avouer leur véritable occupation : John et Jane sont des tueurs à gage d’élite, pour deux entreprises concurrentes. Alors, quand leur nouvelle mission les mène à s’entretuer, toutes les frustrations de la vie quotidienne vont s’exacerber, pour le pire… et pour le meilleur. Car nul doute que l’amour qui les unit aura raison de leur professionnalisme.
Si le nouveau film de Doug Liman tient la route, malgré ce scénario bêtifiant – dont la trame rappelle souvent La Guerre des Rose de Danny DeVito (pour la dispute conjugale) et La Totale de Claude Zidi (pour le mystère qui entoure leurs professions) –, c’est avant tout grâce à son couple de stars (d’où d’ailleurs la quasi absence de personnages secondaires, inutiles ici). La perfection de leur physique, leur beauté quasi surnaturelle en font des êtres irréels, tellement éloignés de l’ordinaire qu’on ne s’étonne pas une minute de leurs performances : sauts dans le vide, cascades en voitures, batailles rangées à trente contre un… Brad Pitt et Angelina Jolie crèvent l’écran, et en sont tout à fait conscients : d’où un second degré bienvenu, où les deux comédiens se défient l’un l’autre, à l’image de leurs personnages, pour tenter d’avoir le dernier mot sur leur tendre moitié.
Mr & Mrs Smith joue délibérément la carte du mélange des genres. Les meilleures scènes interviennent lorsque Liman s’inspire de son homonyme hitchcockien, comédie conjugale drôlissime et mésestimée de 1941. Comme le grand Hitch le faisait avec Carole Lombard, star glamour jusqu’au bout des ongles, mais toujours prête à rire d’elle-même, Liman confronte des êtres extraordinaires aux problèmes de la vie quotidienne. Voir la sculpturale Angelina faire la cuisine, ou tenir maladroitement un bébé lors d’une réunion de voisinage parfaitement ennuyeuse, table sur un décalage qui est le fondement même du comique. De même, toutes les ruptures de rythme dans les moments critiques, où les deux personnages, bien qu’ils soient en danger de mort, continuent de se chamailler, détonnent par leur aspect absurde et fantaisiste (quoique passablement original).
Quand, au contraire, c’est l’action qui prime sur la comédie, Mr & Mrs Smith n’est plus qu’un gros blockbuster, envahi par une bande-sonore insupportable : vroum-vroum de voitures-tanks, bang-bang d’armes en tous genres, explosions à répétition. Le mélange entre comédie légère et film d’action était à l’évidence trop délicat. D’un côté, Liman s’essaie à la sobriété (la bagarre à poings nus entre les deux comédiens est mille fois plus réussie que leurs échanges armés). De l’autre, il s’enfonce dans le spectaculaire, le « toujours plus », qui empêche les deux stars de véritablement casser leur image, et plombe l’ensemble du film, dont les dernières trente minutes semblent interminables.