Hélène (Vicky Krieps) est atteinte d’une maladie rare qui touche ses poumons. Si la nature de ses maux n’est pas tout de suite explicitée, ses gestes sont d’emblée marqués par un double fardeau : le poids de la maladie couplé à celui d’une profonde lassitude. Pour échapper aux vivants qui ne lui offrent plus qu’un reflet cruel d’elle-même (ni bien portante, ni tout à fait disparue), et ce malgré l’amour profond qui la lie à Mathieu (Gaspard Ulliel), Hélène décide alors de partir voyager seule en Norvège. La subtilité du jeu de Vicky Krieps se déploie dans les sourires et les silences que l’on peut lire sur son visage, notamment lorsqu’elle découvre la cabane rudimentaire au bord du fjord dans laquelle elle va séjourner – un mélange d’étonnement, d’appréhension et de gratitude à la perspective d’être enfin livrée à elle-même.
En été, la Norvège est privée d’obscurité. La luminosité du village de Sæbø accompagne ainsi les insomnies du personnage dans une sorte de jour éternel. Cette idée est peut-être la plus belle du film : puiser dans la clarté pour parler de la mort – ce qui épuise tout d’abord Hélène la prépare petit à petit à sa renaissance. Toute l’attention se concentre sur ses états d’âme et ses sensations, Krieps portant le film d’Atef de son corps rendu frêle et souffreteux, mal oxygéné. La plupart des scènes ne tiennent que par l’attraction qu’elle maintient entre le spectateur et ses déplacements dans l’espace, lorsqu’elle gravit, obstinée, les collines, ou quand son souffle se transforme en râle. Ce faisant, elle devient très clairement l’hypocentre d’une vibration dont l’épicentre reste en revanche moins localisable : le parti pris de resserrer le cadre autour de l’héroïne laisse in fine peu de place au reste. Les personnages secondaires gravitent ainsi autour d’Hélène sans réel ancrage, quand bien même des brèches s’ouvrent brièvement, comme par exemple dans cette scène où son hôte norvégien lui raconte l’accident pétrolier dans lequel il a perdu son ami. Ce récit individuel, bien qu’il donne une force d’authenticité aux lieux et au personnage en leur greffant passé et racines, reste cependant trop bref pour permettre au monde autour d’Hélène de se déployer. De la même façon, si les échanges entre Hélène et Mathieu peuvent émouvoir – Krieps et Ulliel ayant tous deux cette même générosité de jeu leur permettant de rendre leurs corps à la fois vulnérables et vaillants lorsqu’ils se livrent l’un à l’autre –, le sillon émotionnel de leur relation n’est creusé que par à-coups. Là où dans Serre moi fort l’écriture éclatée d’Amalric permettait de traduire avec intensité les dissonances et le chagrin du personnage de Clarisse (campée aussi par Krieps), la linéarité de Plus que jamais enferme le film dans une résolution faussement ouverte.