Une scène située au début de Terminator : Dark Fate semble dans un premier temps reconduire les enjeux des trois premiers films de la saga : Sarah Connor (Linda Hamilton) y interroge Grace (Mackenzie Davis), une humaine améliorée envoyée du futur auprès de Dani Ramos (Natalia Reyes), désignée par le cyborg féminin comme le dernier espoir de l’humanité. Ce n’est que bien plus tard que la vérité sera dévoilée à la jeune fille : c’est elle qui mènera la résistance face aux machines et non son fils, rompant le schéma associant ce rôle à une figure masculine. C’est que cette nouvelle mouture de la saga Terminator se fond pleinement dans le double programme que se sont fixées certaines productions hollywoodiennes récentes : 1) remettre à plat une franchise aux suites peu inspirées en promettant un retour aux sources (avec la présence de Linda Hamilton au casting et de James Cameron à la production) ; 2) faire des personnages féminins les moteurs du récit . Tim Miller rejoue donc ici l’intrigue de Terminator 2 : Le Jugement dernier (deux super soldats précipités dans le présent avec des objectifs antithétiques, protéger Dani et la tuer), tout en accentuant, au sein d’une franchise déjà riche du personnage de Sarah Connor, le rôle joué par des femmes fortes. Le réalisateur conjugue par ailleurs cette ambition féministe à des considérations sociales en optant pour le Mexique comme nouveau cadre fictionnel, confrontant ainsi ces figures féminines à la dure condition de migrantes.
L’intérêt de ce sixième Terminator réside pourtant moins dans l’exploration d’un territoire, très vite abandonné à une imagerie de western, que dans la représentation d’une nouvelle machine à tuer. Le Rev-9, capable de se dédoubler en expulsant de son endosquelette un second organisme autonome constitué de métal liquide, s’illustre en effet comme un traqueur hors pair lorsqu’il s’agit de retrouver la trace des trois héroïnes. À la manière d’un super flic, le cyborg se voit ainsi capable de se connecter, via ses bras liquéfiés, à toutes les images à disposition des autorités pour traquer ses cibles. Cette faculté donne lieu à une séquence qui, à elle seule, justifie l’ancrage de l’intrigue au Mexique en faisant pour une fois de ce territoire un enjeu de mise en scène : alors que les trois fugitives tentent de traverser la frontière texane, le terminator infiltré parvient à les repérer grâce à un drone volant à proximité. L’œil rouge du robot imprègne ensuite le viseur de l’engin qui, par analogie, devient une machine à tuer. Le traqueur a enfin recours à la police des frontières afin de faciliter la capture de ses proies, entérinant la feuille de route un brin volontariste du film.
Reste qu’en dépit de ses intentions, Terminator : Dark Fate peine en effet à investir les questions de genre au-delà d’un strict terrain scénaristique. Il est en cela paradoxal que le film convoque à mi-parcours la figure d’Arnold Schwarzenegger, qui endosse son sempiternel rôle de sauveur alors que deux figures maternelles combatives (Grace et Sarah) veillaient jusqu’à présent sur la jeune héroïne. Outre qu’il réduise le T-800 à un simple fétiche, ce retour renseigne sur la schizophrénie d’un projet qui se veut progressiste et qui pourtant nage dans une constante nostalgie, dans l’ombre de son imposant modèle.