Suites, remakes, reboots : sans parler de la trace laissée, formellement, par le Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper (1974) dans la stylistique cinématographique – sans doute un legs d’une incalculable importance –, l’arbre généalogique direct de Leatherface et de sa famille de dingues est remarquablement fourni. Texas Chainsaw 3D (allez savoir où est parti le « massacre » du titre américain du film) prend le parti, étonnant, d’oublier tout sauf le film séminal, pour lui faire une suite directe. Une suite directe qui noie ses deux ou trois bonnes idées dans un déroulement sans panache.
Exit donc la longue saga du Massacre – on s’en plaindra surtout concernant l’incroyable suite réalisée par Hooper en 1986 –, on reprend dès la fin du premier film, une manière maline de réaliser un remake sans trop le dire. Suite au massacre d’un groupe de jeunes dans leur ferme du Texas, la famille Sawyer, à laquelle appartient le simplet Jedediah et son joli masque de peau humaine, se voit assiéger par la milice locale improvisée, déterminée à exciser le furoncle de la famille malade. Un grand incendie plus tard, tout le monde y est passé : tout le monde sauf un bébé, enlevé subrepticement par un des miliciens. Quelques années plus tard, un testament rappelle sur les lieux le bébé devenu jeune fille, qui va s’apercevoir que le legs de la famille est plus lourd qu’elle ne s’y attendait…
Texas Chainsaw 3D navigue entre les quelques bonnes idées ayant présidé à la réécriture du film (le testament, la ville redneck aussi pourrie que ceux qu’ils ont brûlés vifs une génération auparavant) et la nécessité semble-t-il impérieuse de brandir une tronçonneuse en 3D à quelques centimètres du nez de l’auditoire. Le cadre de ce slasher modernisé est donc plutôt recommandable, tandis que les rebondissements et la progression narrative sont au mieux médiocres (la descente de flic la moins cohérente de l’histoire du cinéma, notamment), au pire carrément crétins, quand il s’agit de se focaliser sur la 3D (mention spéciale à un lancer de tronçonneuse du meilleur effet). En somme, voici un film à gimmick qui n’a pas pris la peine de s’intéresser à son scénario.
Et pourtant – nous abordons ici la fin du film, spoilers donc – les derniers gestes de l’héroïne fascinent réellement : après avoir découvert que Leatherface est son cousin, elle choisira, malgré sa monstruosité, malgré le massacre de ses amis (notamment), de « s’occuper » de lui. La famille, quelque monstrueuse qu’elle soit, avant la société, avant la morale, avant tout : voilà un parti-pris étonnant, radical – qui n’est pas sans rappeler la conclusion terriblement nihiliste de l’Halloween II de Rob Zombie. Seulement, là où Zombie fait montre d’une véritable personnalité artistique, là où chacun de ses films est une pierre supplémentaire hargneusement arrachée au monument de l’American dream, John Luessenhop (qui avait déjà planté son heist movie avec Takers) reste en surface de son sujet, ne saisit pas l’opportunité de déceler la putrescence morale des notables, le désespoir d’une jeunesse tellement en manque de repère que son role model débite des gens à la tronçonneuse – un comble, quand on se souvient du talent féroce de Tobe Hooper dans son Massacre originel.