Après Control, un bio-pic d’Ian Curtis, Anton Corbijn réalise l’adaptation du roman de Martin Booth : A Very Private Gentleman. Au lecteur à qui la bande-annonce laisserait penser qu’on allait assister à un film d’action classique et efficace, on se doit de délivrer un démenti : le résultat est un film terne, plat et sans conviction, dans lequel George Clooney peine à convaincre.
Le film commence de manière assez dynamique : en Suède, Jack, trahi par son amie qu’il n’hésite pas à tuer, se fait tirer dessus. Il décide donc de se cacher dans un endroit sûr, aidé par Pavel (Johan Leysen), son chef. Ensuite, l’intrigue est simple : caché au fin fond de l’Italie, dans les Abruzzes, Jack (ou Edward, car il utilise plusieurs noms), un tueur à gages, tombe amoureux d’une Italienne et décide de laisser tomber son boulot pour elle. Évidemment, ce ne sera pas si facile, on s’en doute. George Clooney joue le rôle de ce tueur à gages, proche de la retraite. La caméra tourne autour de lui et ne s’intéresse qu’à lui, mais son jeu reste peu convaincant, bien loin de ses rôles précédents qui laissaient espérer une justesse de ton et une certaine conviction. Ici, rien de tout cela, Clooney est fade et prévisible, contrairement aux seconds rôles, un peu mieux réussis, comme Violante Placido dans le rôle de Clara, la prostituée.
Le rythme du film est lent : non pas une lenteur contemplative qui nous permettrait de rentrer davantage dans l’intériorité du personnage, mais une lenteur qui ressemble davantage à une épreuve pour le spectateur. Les rares courses poursuites du film sont assez courtes et peu spectaculaires. Il ne s’agit donc pas d’un film d’action. L’histoire d’amour est d’une terrible banalité, sans véritable intérêt, si ce n’est le prétexte de l’intrigue. Quant à ce tueur à gages, « l’Américain » incarné par George Clooney, que le réalisateur filme littéralement sous tous les angles, il ne convainc pas, malgré ses deux séances d’abdos et de tractions, et son habileté à construire une arme. Le charme mystérieux de Clooney est caricatural : Anton Corbijn esquisse les traits d’un personnage introverti, sans approfondir ni chercher sa complexité et laisse, en fin de compte, un personnage d’une vacuité consternante.
Pour essayer de donner un peu de profondeur à son film, le réalisateur y saupoudre un peu de réflexions sur le péché et le pardon, la foi et Dieu à travers la présence d’un prêtre, Père Benedetto (joué par Paolo Bonacelli). Les discussions entre Jack et le prêtre, aussi peu subtiles que crédibles, ne parviennent pas à dissimuler le côté superficiel du film. L’intention d’Anton Corbijn de ne pas en mettre plein la vue au spectateur est louable, mais encore eût-il fallu proposer autre chose. Or, le réalisateur peine à trouver un équilibre entre l’histoire de Jack, l’environnement local des Abruzzes et la jeune prostituée dont il tombe amoureux. Aucune de ces trois dimensions n’est approfondie, comme si Corbijn n’avait pas réussi à faire son choix : il traite ainsi avec superficialité une histoire qui aurait pu donner lieu à une plus grande richesse. C’est finalement un film qui se cherche lui-même, du début à la fin, et qui, en voulant jouer sur les clichés, s’y enfonce inéluctablement, jusqu’à la scène finale qui relève de la parodie.