Prix du Public
Présenté au dernier festival de Locarno, The Fourth Portrait est le second long métrage du Taïwanais Chung Mong-Hong, après Parking en 2008. Suite à la mort de son père, Xiang, 10 ans, va vivre avec sa mère qu’il connaît à peine, et son beau père. En plus du deuil, l’enfant est confronté à la froideur de sa famille qui l’accueille à contre cœur. L’argent manque, la mère travaille dans un club, le beau père dans un marché de nuit. Aucune tendresse ici, ni entre le couple, ni envers Xiang. Livré à lui-même, le petit se lie d’amitié avec un jeune voyou et avec le vieux gardien de son ancienne école. Il se réfugie aussi dans le dessin, quatre de ses compositions introduisant les quatre chapitres dont est composé le film.
Comme dans Parking, ce qui semble intéresser Chung Mong Hong est davantage le portrait de personnages que la trame dans laquelle ils s’inscrivent. Ces portraits sont plutôt réussis. Celui de la mère surtout, interprétée par Hao Lei (Une jeunesse chinoise), dont on épouse le désespoir. Dans une scène assez poignante, convoquée par l’institutrice de Xiang, elle se laisse aller à raconter son douloureux passé, à exprimer une souffrance qui provoque l’empathie de son interlocutrice comme celle du spectateur. La mère est chinoise, elle fait partie de ces immigrés qui, pensant accéder à une vie meilleure à Taipei, n’ont rencontré que la précarité. Ce qui la torture, surtout, est la disparition de son fils ainé, le frère de Xiang, qu’elle avait pris avec elle en quittant le cocon familial. De ce frère, Xiang se met à rêver régulièrement. Voulant savoir ce qu’il est devenu, il interroge. Pour tous les personnages, la présence du disparu devient d’autant plus obsédante qu’ils se refusent à en parler. Acteur populaire et récent réalisateur du beau Je ne peux pas vivre sans toi, Leon Dai, dans le rôle du beau-père, campe un personnage fort, devenu aigri et violent suite à trop de misère. Face au sinistre couple, le vieux gardien d’école, dont la noblesse du visage marque, offre à l’enfant un point d’apaisement, une incitation à la sagesse. Le jeune voyou, lui, tout en convoquant un triste aspect de la société, est vecteur d’humour décomplexé. Si Xiang émeut, il captive moins que ceux qui l’entourent, peut-être parce que nous connaissons trop bien cette figure de l’enfant qui, confrontant sa pureté à un contexte hostile, apprend à regarder le monde. Rappelant en cela Parking, The Fourth Portrait est surtout le tableau de solitudes qui font ce qu’elles peuvent pour survivre dans une société qui peine à leur trouver une place.
Chung Mong Hong prend un évident plaisir à jouer avec les formes et les genres. Il explore ses personnages sous des angles variés, du gros plan mettant en valeur leurs émotions à des plans larges les inscrivant dans un décor souvent rural. Sa caméra tantôt s’immobilise tantôt se dote d’un mouvement autonome, comme pour tester les différentes approches possibles des actes qu’il met en scène. Le cinéaste passe aussi d’un registre à l’autre. The Fourth Portrait oscille entre la fable enfantine, le récit initiatique, le mélodrame, le film de fantôme, le film portrait, la chronique sociale, la comédie (certains passages frôlant un absurde que Parking avait généralisé). La pertinence de ces explorations formelles pose question, on peut se demander quel propos elles servent. L’image léchée, le travail fait sur les lumières, menacent le film d’une certaine artificialité. The Fourth Portrait n’est ni très profond ni très original, mais l’évolution assez subtile de son scénario (notamment en ce qui concerne la relation de la mère et l’enfant), la consistance de ses personnages et la justesse de ses acteurs en font un film tout à fait honorable.