Cannon est un nom qui parle à ceux qui ont grandi dans les années 1980. Enfants de la télé et de la vidéo, beaucoup ont biberonné aux productions Golan/Globus, comme ceux de la génération d’avant aux productions Corman. Il faut, semble-t-il, une icône de la production à chaque ère : l’époustouflante vitalité de la Cannon la place, dans la course au titre, devant ses concurrents tels que la New Line. Il n’y a qu’à voir la jubilation initiale qu’a accompagnée la mise en chantier du premier Expendables pour mesurer combien le style – il est vrai plutôt primaire – de la Cannon a marqué les esprits.
The Go-Go Boys retrace chronologiquement l’épopée de Menahem Golan et Yoram Globus, partis puis revenus en Israël, avec entre les deux l’aventure Cannon. Si les frasques américaines des deux cousins sont bien connues des amateurs occidentaux, la part israélienne de l’aventure s’avère une découverte intéressante, loin de l’image qu’on peut avoir d’eux. Pourtant, cet aspect inédit, qui renforce la perception du film comme un documentaire pur et simple, s’étiole au fil du film. Déjà, à ce moment, le choix de la réalisatrice Hilla Medalia de coupler les anecdotes racontées par Golan et Globus avec des images sorties de leurs films, impliquant que des aspects de la vie des deux hommes trouvaient des échos dans leurs productions et réalisations, donne un aspect plus ludique qu’autre chose à l’entreprise.
The Go-Go Boys donne largement la parole à Menahem Golan : charismatique, charmeur, le bonhomme aime à être filmé, comme, si l’on en croit les images d’archives, ce fut toujours le cas. Authentique monstre de cinéma, Menahem Golan ressuscite la figure du metteur en scène et producteur aussi généreux qu’insupportable, ambitieux que colérique – une figure à laquelle il est difficile de ne pas adhérer. Face à lui, plus posé et moins époustouflant, Yoram Globus, celui qui rassemble l’argent pour que l’autre le dépense, raconte une histoire plus sérieuse : celle de deux amis, dont l’un n’a jamais su – ou voulu – juguler l’enthousiasme de l’autre. Face au mastodonte Golan, Globus apparaît terne, ennuyeux : le film semble véritablement pencher pour le premier – et c’est compréhensible, tant il est vrai qu’il tient véritablement du monstre de cinéma.
Cinema Force
Et puis, n’oublions pas que c’est de la Cannon qu’on parle – il faut que le méchant comme le gentil soient bien identifiables ! Assez rapidement, entre l’affect réel suscité par la personnalité de Menahem Golan et les options de mise en scène d’Hilla Medalia, on quitte le domaine du documentaire pour plonger dans l’évocation totalement partiale, et d’autant plus prenante. Le film cerne l’esprit d’une époque, plus qu’il ne pose un regard objectif sur l’épopée Cannon. De façon surprenante, le film passe d’ailleurs sous silence un aspect pourtant important du succès de la Cannon : la montée en puissance de la vidéo dans les années 1980, un format pour lequel les productions Cannon les plus profitables – et non pas les plus prestigieux Love Streams de Cassavetes ou Pirates de Polanski, avec lesquels Menahem Golan tentait de s’acheter une conduite artistique – étaient taillées sur mesure. En revanche, il parvient à saisir quelque chose de très ténu. On entend Michael Dudikoff, l’un des poulains du département « action » de la Cannon – avec Jean-Claude Van Damme –, rappeler à quelle point l’écurie Cannon était une famille, comment la chute de l’empire a signifié la fin pour beaucoup de ceux qui y étaient associés, comment cela impliquait plus qu’une simple relation professionnelle. Certains se souviendront alors à quel point ce fut également vrai pour l’audience des films Cannon : les années 1980, les années vidéo, créèrent une génération série B, une approche du cinéma à la fois enthousiaste et indulgente, passionnée – avec une série de critères bien à elle. Pas très sérieux historiquement parlant, The Go-Go Boys parvient à saisir l’esprit des années Cannon, avec une véritable passion – et c’est bien là l’essentiel.