L’heure est à la parodie. Malade de trop de références, de trop de « culte », le cinéma, gavé, régurgite. Surprise : couvés d’un œil amusé par le public lors de leur retour sur le devant de la scène, les ultra has been Sylvester Stallone et Mickey Rourke sont parvenus, avec des rôles à la subtilité surprenante, à se réapproprier leur statut de star, sans sombrer dans la caricature. Jusqu’à maintenant.
Combien avaient levé les yeux au ciel à l’annonce de la préparation, par Sylvester Stallone, de Rocky Balboa, après un cinquième épisode des plus dispensables ? Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’avec son film au ton doux-amer, Sylvester Stallone était parvenu, contre toute attente, à réinvoquer l’émotion qui présidait à Rocky, premier du nom, certainement parce que dans les deux cas, la dimension autobiographique était remarquablement forte. L’acteur bien connu débutait une carrière de réalisateur (une seconde carrière, dirons-nous, car il était également derrière la caméra pour Staying Alive, notamment) étonnamment prometteuse, et confirmée par le retour sans concession de son second personnage emblématique, John Rambo.
Autant dire que les rumeurs concernant The Expendables (un film d’action avec une affiche incroyable, reprenant toutes les gloires des années 1980 et 1990) ont mis l’eau à la bouche à la fois à ceux qui appréciaient le ton sans concession du réalisateur du terriblement barbare John Rambo, comme à ceux qui appréciaient l’ironie subtile et mélancolique dont Sylvester Stallone semblaient capable de faire preuve, vis-à-vis de son personnage et de sa carrière. Il fallait que Stallone 2.0 finisse par décevoir – The Expendables réussit l’exploit de décevoir en même temps les deux groupes.
Qui sont donc The Expendables ? Impossible à savoir – une bande de mercenaires brutaux et surentraînés, incapables du moindre scrupule, mais d’où viennent-ils, comment en sont-ils arrivés là ? Rien ne filtre. Recrutés par un commanditaire mystérieux, ils vont devoir s’attaquer à une république bananière, où le potentat local est à la botte d’un consortium de trafiquants de drogue. Et évidemment, ça passera par la manière forte.
The Expendables est sous-titré en France « unité d’élite ». C’est, pour le moins, revoir à la baisse la signification de ce mot si évocateur. Ces expendables sont, littéralement, les « dispensables » – un mot qui semblait donner le ton pour un film qui eût dépeint une bande de vieux briscards usés et fatigués, mais toujours prompts à reprendre du service s’il le faut, à l’instar du John Rambo du film éponyme. Hélas, ces dispensables sont en fait une sorte de vieux club de copains qui, en fait de week-end de pêche, assassinent du paramilitaire à grande échelle, pas plus concernés que ça par leur occupation, et juste contents de se retrouver pour jouer le samedi soir au lancer de couteau s’il n’y a personne à tuer. Voilà pour le potentiel mélancolique, la « touche Stallone » qu’on aurait aimé trouver.
Quant à l’utilisation de son casting de rêve, Stallone semble empêtré dans une structure en épisodes – en somme, chacune des têtes d’affiches, Stallone et Statham exceptés, aura sa séquence, sorte de sketch taillé expressément pour elle et bien trop hétérogène par rapport au reste du film. Deux choses cependant, servent de liant au film : un humour souvent malheureux, et les deux Stallone et Statham.
Humour malheureux, parce que les nombreux topoï du film d’action utilisés dans le film sont souvent outrés au possible, comme pour tourner en dérision le genre, mais sans, hélas, convaincre. Paradoxalement dénué, semble-t-il, de toute âme, de toute connaissance réelle du genre qu’il aimerait gentiment secouer, The Expendables tourne rapidement à la parodie de seconde zone, avec de petits moyens.
Le film n’en a, finalement, que pour le couple Stallone / Statham. L’un en vieux baroudeur dur-à-cuire mais avec une âme qu’on peut, éventuellement, encore remuer un peu (sorte de fantôme de son John Rambo) ; l’autre en jeune loup énervé et épris de justice. Dans ce couple, on discerne la volonté de Stallone de passer le témoin à la jeune génération, on discerne également le spectre d’un The Expendables plus juste, plus émouvant. Hélas, entouré qu’il est de tous les défauts surchargés du film, ce soupçon de finesse n’existe pas réellement. Stallone s’est fait plaisir, tant mieux pour lui. Dommage que le spectateur ne partage pas ce plaisir…