Précédé d’une réputation de navet galactique à faire pâlir d’envie le mythique Plan 9 from Outer Space, The Wicker Man mérite pleinement la volée de bois vert qu’il a reçue. Manifestement réalisé afin de réactualiser le scénario malin et sans concession d’un film culte des années 1970 au moyen de quelques « préoccupations » actuelles, le film ne se contente pas de friser le médiocre et le ridicule, mais tape en plein milieu de la cible. Impressionnant de nullité.
L’officier de police Malus (Nicolas Cage), gravement traumatisé par deux morts dans un accident qu’il n’a pas su empêcher, reçoit une lettre d’une ancienne flamme qui lui demande de l’aide pour retrouver sa petite fille disparue sur une île coupée du monde. Là-bas, il découvre un culte païen étrange et commence à s’interroger sur la réelle raison de sa venue.
Critiquer un remake est toujours délicat. Il faut tenter de s’abstraire de ce que l’on pourrait dire qui ne concerne que le rapport entre le film original et sa copie. Certes, l’approche est pertinente, mais ne doit pas constituer la seule analyse. Ainsi, il eût été malhonnête de dire du film de Neil LaBute qu’il est parvenu à vider toute l’ambiguïté intellectuelle du film originel ; dont il n’a gardé que les « moments de bravoure », repris (parfois à la ligne près) dans un scénario qui leur ôte tout sens réel (comme dans Pulse, qui lui aussi faisait du copier/coller sans chercher à conserver la cohérence du récit) ; qu’il a substitué à la hargne créatrice passionnée de ceux qui firent le premier The Wicker Man un professionnalisme creux de nanti dépourvu de créativité ; qu’il a délibérément ignoré l’aspect érotique du récit, pourtant totalement central dans l’original ; qu’il n’a pris aucun des risques encourus dans le premier film par un discours qui faisait subtilement l’apologie de la tolérance vis-à-vis des religions polythéistes pour y substituer un culte matriarcal passablement crétin…
Fort heureusement, ce Wicker Man-là épargne cette tentation. Il est en soi un mélange d’épouvante sylvestre creuse post-Blair Witch et de new-age wicca de bon aloi, qui donne un scénario risible de par son amateurisme théologique (en substance : la secte est une ruche matriarcale, avec des abeilles partout). Mais c’est surtout l’absurdité totale d’un nombre impressionnant de scènes qui frappe : Cage braque une femme à vélo en lui lançant, un énorme flingue à la main : « DESCENDS DE CE VÉLO ! » ; deux jumelles difformes parcourent le film en lançant des prophéties sans rapport avec l’intrigue ; Frances Conroy (remarquable actrice de Six Feet Under) joue sans y croire le Dr Mousse (si) ; le film est parsemé d’une quarantaine de flash-backs sur la scène de la mort des deux personnes du début ; cette scène n’est par ailleurs jamais explicitée… Ça n’en finit plus.
Mais la première place revient à la scène sans doute la plus terrible du film, qui mérite un paragraphe à elle toute seule, voire pour laquelle on pourrait ouvrir une chaire dans les facs de cinéma (option : tout ce qu’il ne faut pas faire). Dans le film original, le policier s’infiltre dans une procession aux anciens dieux, en ayant pris le costume du Polichinelle, fou ultime, victime toujours désignée : costume plein de sens. Mais ce serait trop en demander à ce nouveau Wicker Man, manifestement destiné à un auditoire en mal d’images consommables à la minute. Pour une scène similaire, même si elle perd toute utilité réelle elle aussi, Cage se pare d’un magnifique costume … d’ours brun. Une scène de poursuite s’ensuit, véritablement vouée à devenir mythique.
Nominé aux Razzie Awards (qui récompensent les plus mauvais films) à cinq reprises (notamment dans la catégorie « pire couple à l’écran » pour Cage et… son costume d’ours), The Wicker Man ne s’est vu coiffer au poteau par rien moins que le désespérant Basic Instinct 2. C’est dire le calibre de ce navet estival, chez qui le sentiment d’une inutilité frappante le dispute à l’indignation que l’on ressent à avoir vu consacrer un budget estimé à 40 millions de dollars. On ne peut que s’incliner, atterrés, devant la contre-performance du réalisateur-scénariste Neil LaBute, pourtant nanti (dans la catégorie « remakes inutiles ») de concurrents tout à fait sérieux.