Qu’est-ce qui a bien pu décider Tobe Hooper à se commettre dans un film aussi creux, plat, sans intérêt, qui échappe au marché vidéo direct par la seule grâce de son nom encore prestigieux ? Le mystère reste entier. Fans de la première heure, passez votre chemin. Les autres aussi, d’ailleurs.
On a peine à le croire : le nouveau film de Tobe Hooper est tout juste digne d’une seconde partie de soirée de M6 le jeudi, à la grande époque des années 1990, entre House II et Lectures diaboliques. Jugez plutôt : la petite famille Doyle doit repartir dans la vie, après la disparition du père de famille. Afin de se changer les idées, Madame décide, pour changer de carrière, de reprendre une morgue dans une petite ville paumée des U.S.A. – choix judicieux, s’il en est. Mais c’est sans compter avec le culte dégénéré diabolique qui sévissait dans les riants sous-sols de l’endroit. Quelques gouttes de sang inconsidérément renversées plus tard, et voilà nos protagonistes caricaturaux assaillis par des effets spéciaux ringards et une troupe de zombies de supermarché.
Il semble très symptomatique que la version française du titre du film – Tobe Hooper’s Mortuary, donc – prenne soin de préciser le nom du réalisateur, seul facteur vendeur de ce film de consommation courante sans la moindre once de talent. Souligner que le réalisateur de Massacre à la tronçonneuse est derrière la caméra est utile, car nulle part ne se retrouve sa folie malsaine, omniprésente dans le film qui a fait sa réputation. On pourrait croire que ce serait desservir son image, mais force est de constater que sa carrière a connu depuis 1974 et le Massacre une pente descendante régulière, malgré le spielbergien Poltergeist. Mortuary n’est jamais que l’aboutissement flasque et spongieux (pour respecter les codes du gore) de cette chute libre.
Comment décrire la déception de ce film ? Rien ne manque au bréviaire de la série B, version 80’s : les scream queens aux mensurations affolantes et au Q.I. rase-moquette, le rythme du film ponctué de scènes « effrayantes » toutes les demi-heures, les phrases accrocheuses (« Dans cette ville, on prend la violence très au sérieux ! » – le seul bon moment du film…), le scénario invraisemblable, les défauts de montage et de script (une main droite en plan large se change en main gauche en gros plan, une voiture disparaît sans personne pour la conduire), et le Représentant Traditionnel des Minorités – le Noir – étant ici remplacé par un homosexuel. On a tout à craindre d’une telle accumulation de poncifs surannés, et c’est une crainte pleinement justifiée. Et si l’affiche présente le film comme un nouveau Scary Movie ou Scream, il convient de noter que le second degré et l’humour ne sont pas les approches adoptées ici. Le film se veut très sérieux – Hooper lui-même veut y voir une métaphore de la situation des États-Unis, rien moins – et c’est dommage, avec un tel manque de moyens… et de talent.
Seule originalité du film : la citation d’un vers de H.P. Lovecraft et l’apparition d’une créature du panthéon de l’écrivain, Nyogtha pour les connaisseurs. Mais c’est une bien maigre compensation, après le redoutable Antre de la folie, de John Carpenter, et avant Beyond the Mountains of Madness, qui attend de se concrétiser sous peu. Allez, Tobe, pour l’amour du bon vieux temps, on te pardonne. Mais c’est sans doute la dernière fois…