Récompensé au festival de Berlin par un Ours d’argent en 2001 pour son long métrage Grill Point, le cinéaste allemand Andreas Dresen, que l’on voit rarement sur les écrans, nous revient cette année avec une chronique douce-amère de la vie de Berlinois esseulés, en quête d’amour. Si la mise en scène, plutôt sobre, ne révolutionne pas le cinéma allemand, le scénario combiné au talent des deux actrices principales, offre une série de portraits attachants.
Un été à Berlin, c’est un lieu pour une saison. Et l’étrangeté douteuse d’une traduction. Car dans la version originale, ce film a pour titre : Sommer vorm Balkon. Ce qui, sans être germanophile, nous laisse penser qu’il s’agit tout bonnement d’une histoire d’été et de balcon. Katrin la brune et Nike la blonde habitent dans le même immeuble. Elles se connaissent trop ou pas assez et passent leurs nuits d’été, entre deux verres de vodka, les yeux baignés d’étoiles, à refaire le monde entre sphère céleste et globe terrestre, les pieds posés sur un balcon. Pendant les journées, Nike, infirmière hors pair, fréquente l’ancienne génération : Helene, Oskar, Monsieur Neumann, tous nonagénaires, se laissent frotter, peigner, brosser par les mains habiles de la volubile Nike. Quand Katrin ne passe pas son temps à chercher un emploi, elle observe de temps à autre son jeune fils grandir trop vite. Katrin et Nike sont célibataires. Jusqu’au jour où leur chemin croise celui d’un chauffeur de poids lourds, Ronald, individu incongru à l’allure bizarre, ayant le sens inné de l’incruste, qui s’invite dans leurs existences au risque de peser un peu… lourd.
Non ! Un été à Berlin n’est pas un film sur la rencontre amoureuse ou sur le plaisir de la vie à deux (ou trois). Oui ! Un été à Berlin est un film sur l’angoissante solitude et l’individualisme forcené qui hantent nos cœurs citadins. Et comme dirait un certain dicton : « mieux vaut être seul(e) que mal accompagné(e).» De fait, même si l’action se déroule dans la capitale allemande, la petite histoire serait parfaitement transposable dans n’importe quelle grande ville de ce monde. À l’exception, peut-être, de certaines répliques typiques, paraît-il, d’un bagou berlinois.
Juliette sans Roméo, Roxane sans Cyrano, les deux amies s’octroient quelques instants de rêveries sur un bord de fenêtre, îlot presque trop clos. C’est cet espace mi-intérieur, mi-extérieur, qui les invite au voyage immobile, à se retrouver pour mieux partir à la recherche d’elles-mêmes. Et Andreas Dresen trace en finesse le portrait de ces deux femmes que tout oppose et que tout relie. Car le gros risque pour un film qui oscille entre drame et comédie était de sombrer dans la mièvrerie sentimentale. Mais avec intelligence, le cinéaste ponctue ces instants d’existences parfois mornes, de pointes d’humeur mélancolique et d’humour fataliste. Le jeu des actrices y est pour quelque chose et la musique vient ajouter une note d’ironie. Mais la mise en scène reste trop sobre. Et pourtant, l’on ressent un brin d’humanité dans cet entrelacement de plusieurs générations. Car si ce film qui « décrit le passage du socialisme à l’individualisme » est teinté d’amertume, il demeure optimiste : le Berlin filmé par Andreas Dresen, très intimiste, ne porte presque pas les stigmates de l’Histoire. On irait même plus loin : et si le cinéaste faisait le pari de filmer, en une saison, non pas tant ces instants furtifs d’existence, ces petits riens, que le tableau multi-générationnel de destins qui s’entrecroisent ? Un pari, certes, un brin utopique.
Comme un souffle, la caméra du cinéaste aère les petites vies de nos protagonistes de plans volatiles et musicalisés, rythmant les déambulations dans les rues de Berlin de ces passagers inconnus. Les passants flânent et la vie continue mais on dirait que le temps s’arrête. Et l’on croirait presque que la belle saison est éternelle. Ce film, finalement, respire à défaut de vibrer. Et c’est déjà ça.