Soldat discret d’Hollywood depuis le début des années 2000, brusquement propulsé par le succès critique et populaire de Very Bad Trip, Todd Phillips est devenu en une poignée de films une signature incontournable des studios américains. Il revient avec une suite soigneusement décalquée : les trois antihéros se retrouvent pour un nouveau mariage, un nouvel enterrement de vie de garçon, une nouvelle soirée oubliée, un nouveau parcours du combattant fiévreux. On prend les mêmes et on recommence.
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Appât du gain, envie de gloire, piètre opinion du public, ou simplement paresse ? Dès les premières minutes du film, on se demande très sérieusement quel dessein se cache derrière cet autoplagiat effarant que constitue Very Bad Trip 2. Et c’est avec une grandissante consternation que l’on retrouve, les unes après les autres, toutes les astuces qui ont fait la réussite du premier volet. L’écrasante loi n’épargne pas un aspect, pas une minute du film. L’étonnant jeu de piste amnésique auquel se livraient Stu, Alan et Phil est, plus que sommairement, déporté sur un nouveau plateau de jeu (Bangkok) tout juste assez exotique pour receler quelques fantaisies locales. Gouttes d’eau dans l’océan. Todd Phillips ne reprend pas simplement un pitch, car c’est toute la narration, scène après scène, qui emploie rigoureusement le même trajet : départ au point culminant des ennuis, coup de téléphone catastrophé, flash-back, préparatifs, apéritif, ellipse… Toutes les scènes clés trouvent leur jumelle, jusqu’à parfois faire l’objet d’effets de découpage étrangement identiques (on pense au fameux « premier verre », ainsi qu’au dernier plan).
Very Bad Trip nous avait agréablement surpris dans sa manière de ficeler une comédie à la manière d’un polar, non sans un certain surréalisme. Quoiqu’un peu plus fade sur ce dernier point – par trop pittoresque, en fait –, sa suite pourrait au moins jouir de qualités semblables, vu son sens aigu du plagiat. Hélas le bât blesse encore, et frappe au sol. Perdu dans son manque cruel d’enjeux propres, Very Bad Trip 2 ne développe même pas une véritable autonomie. Le jeu de références, au-delà d’un réemploi, est une succession de rappels vaniteux conçus pour susciter des réactions qui n’ont plus rien à voir avec le cinéma. La répétition devient une valeur en soi : elle est l’idole même, elle adule ses propres défauts dans un rituel où il faut rire sans surprise, rire comme on avait ri la première fois. À ce titre, les réactions de la salle sont tristement édifiantes : on rit de revoir le même plan, qui ne s’est jamais voulu comique, mais qui semble agréablement familier, et dont la reprise développe ce phénomène étrange. Difficile d’imaginer à quel degré de cabotinage se livrera la troisième partie d’ores et déjà annoncée en conférence de presse, lorsque Phillips ironise sur la façon dont il pourrait en rechercher l’emplacement. L’emplacement : c’est bien le seul moyen de distinguer les deux films, et encore, seulement quand il est mis en valeur à l’image.
Il faut reconnaître aux acteurs (en particulier Zach Galifianakis et surtout l’excellent Ed Helms) des performances parfois très drôles. Malheureusement, le fait que leurs réussites surnagent au dessus du dilettantisme d’un metteur en scène leur confère un arrière-goût bien amer. Cette paresse est manifestement l’expression d’un profond mépris du public, de sa soif de nouveauté, et de son sens critique. On reconnaîtra que les défauts cités n’ont pas empêché les spectateurs de passer manifestement un très bon moment. Peut-être avaient-il la mémoire courte.