Retour à Las Vegas pour l’épilogue des aventures du quatuor masculin dont les frasques ont connu un succès mondial. Todd Phillips choisit, pour clore la série, de ramener ses quadragénaires à la raison. Reprenant la même recette que le premier film de la série, mais la transgression en moins, Very Bad Trip 3 laisse l’effet d’un triste lendemain de fête : les souvenirs de la folie de la nuit perdent de leur attrait avec le retour de la vie rangée. En triplant le budget du premier opus, Phillips en perd la drôlerie qui dynamitait l’ordre des conventions sociales.
S’il ne commence pas par une promesse de mariage, mais par un enterrement, Very Bad Trip 3 reste pourtant la copie de ses opus précédents, dont le scénario de moins en moins original perd de son relief et de son pouvoir de transgression à chaque nouvelle suite. Le principe reste le même : les quatre amis Doug, Phil, Stuart, et l’incontrôlable Alan partent en voyage mais sont rattrapés par les frasques du passé avant même d’atteindre leur but. L’objectif du voyage, cette fois ci, n’est pas la recherche d’une débauche libératrice en marge d’une vie trop bien rangée, mais l’internement de Alan (Zach Galifianakis) qui, ayant renoncé à suivre son traitement médical, serait devenu vraiment trop déviant.
Cet argument du scénario est on ne peut plus significatif du revirement que prend la trilogie : sus à l’insoumission, il est temps de rentrer dans le rang. Dans le premier volet, l’agressif Stuart ne s’adressant à son épouse que sur le ton de la menace, Phil le séducteur impénitent, et Alan le régressif bloqué au stade anal apparaissaient comme des doubles débridés de Doug, le fiancé trop propre sur lui. Enfermer sur le toit du Caesar’s Palace le parfait prétendant, c’était museler la bien-pensance de la société américaine convenue pour laisser les instincts de ses représentants mâles s’exprimer. En voulant conduire à l’hôpital psychiatrique l’un des avatars de ces pulsions, la suite et fin des aventures des noceurs s’efforce de refouler ce versant hautement anarchisant de la comédie américaine, qui avait renouvelé en 2009 le genre de manière bien plus explosive que son versant conformiste tendance Apatow.
Le premier opus réussissait à être franchement transgressif, tout en étant vraiment désopilant et inventif, ce à quoi ses émules ne parvinrent jamais. Pensons par exemple au naufrage Bachelorette, qui n’est jamais drôle, provoque le plus souvent le malaise, et, surtout, en confondant éclatement des valeurs avec leur renversement en miroir, échoue à libérer la bande de filles, pour ne réussir qu’à les rendre aussi bêtes et vulgaires que les hommes qu’elles méprisent.
Cette « meute », avant de retrouver le droit chemin, doit faire un dernier petit détour afin de retrouver le butin d’un vol. Alors qu’ils cherchent avidement les lingots d’or dérobés, on a envie de leur souffler qu’ils ont été engloutis par le budget du film, qui a triplé depuis le premier épisode de la saga. Le retour final à Las Vegas revêt un côté nouveau riche, avec sa débauche de cascades et de plans aériens, cri de revanche du film à moyen budget qui revient sur les lieux de ses débuts avec les poches pleines. Very Bad Trip 3 n’est au fond pas si raté que cela et on reste reconnaissant à Todd Philipps d’avoir révélé le génial corps comique ensauvagé de l’acteur Zach Galifianakis. Il n’empêche, il trahit à tel point les ambitions du premier volume qu’on n’a qu’un mot à la bouche en pensant à la trajectoire de ses anti-héros : embourgeoisés.