Comme toutes les semaines, Virgil va voir son père au parloir. En effet, ce dernier s’est retrouvé en prison après avoir tué un homme qui avait fait une proposition malhonnête à son boxeur de fils. Cet événement constitue d’ailleurs l’ouverture du film, une ouverture toute en stylisation esthétique, en narration nerveuse et précise, qui annonce d’emblée la couleur : le film n’a pas l’intention de passer inaperçu. Alors, bel objet qui sonne creux, ou premier film qui dénote une véritable profondeur artistique ? Sans être un chef-d’œuvre, Virgil fait indéniablement preuve d’un certain nombre de qualités, à commencer par la construction d’une ambiance, à la fois populaire et romanesque. Les personnages sont attachants, et trouvent leur place dans une histoire qui explore des relations croisées, filiales, amicales, et amoureuses. L’histoire de ce fils – Virgil – qui ment à son père depuis des années sur ses exploits sportifs, n’a rien de révolutionnaire mais, comme beaucoup d’autres éléments dans le film – la boxe en premier lieu – elle n’est qu’un prétexte à faire évoluer des personnages, à les faire se heurter, se rencontrer et tenter de casser les barrières qui existent entre eux.
Car dans Virgil, chacun porte ses blessures, qu’il promène dans ce film aux accents de comédie dramatique. Margot, qui aboie plus qu’elle ne parle, n’a reçu de son père que quelques mots en trois années de parloir. Virgil, lui, réalise qu’il n’a fait jusqu’à présent que parler de la boxe et non de la vie ou des sentiments qu’il ressentait avec son père. Sans compter Ernest ou encore Dunlopillo l’handicapé… Tous ces écorchés font leur apprentissage de la vie au fur et à mesure du film, chacun se doit d’apprendre et de transmettre à la fois. El Mechri, lui, se balade un peu entre tous ces personnages, n’en privilégiant aucun, leur donnant tous à un moment leur espace d’expression. On se demande alors ce que vient faire ici le personnage de Dino, furtif et cliché (piqueur de petite copine, boxeur/bagarreur, fils à papa se faisant acheter tous ses matchs). Qu’importe, le plus important ce sont ces confrontations tantôt douloureuses tantôt salvatrices, au parloir ou sur le ring, qui font avancer l’histoire et les personnages.
Si le film manque parfois un peu d’unité, cela est parfaitement compensé par un ton et un style qui imposent leur griffe. On sent dans Virgil toute l’énergie d’un premier film, des idées de mise en scène, comme ce plan à 360° lors de l’entraînement des boxeurs, qui reflète à lui seul la volonté de l’équipe de produire des images stylisées malgré un manque de moyens qui aurait pu en paralyser plus d’un. El Mechri se revendique d’ailleurs des B‑movies, ces films assez courts ne brillant généralement pas par leur budget élevé, mais par leurs idées et leurs astuces pour avoir du style, du suspense, sans que la réalisation ne fasse trop « cheap ». La musique est également l’un des éléments qui emporte l’adhésion, un mélange de musique black des Seventies (Curtis Mayfield, Ike et Tina Turner), et de sonorités faisant penser à des compositeurs tels que Schifrin ou Bernstein. Et si l’humour du film repose un peu trop sur la grossièreté – Jean-Pierre Cassel en sort vraiment de belles, c’est un régal – nous lui pardonnons volontiers, car cela colle très bien aux personnages, parfois bourrus, mais tellement vrais ! Sans être absolument hilarant, ni absolument original, Virgil a le mérite de nous faire passer un bon moment, ce qui n’est déjà pas si mal et constitue des débuts prometteurs pour son réalisateur.