Dans un futur proche, un monde sans eau, ou presque, abrite des hommes en lutte quotidienne pour défendre leur territoire. Déterminé à rendre à nouveau fertile une terre désertique, Ernest Holm, abîmé par l’alcool et la culpabilité, veille comme il peut sur ses enfants, Jerome et Mary. La convoitise du jeune Flem Lever, intéressé autant par la jeune fille que par les terres paternelles, bouleverse un quotidien rude mais calme.
Élégance solaire
Dans un désert ocre sublimé par la lumière franche d’un soleil de plomb, l’immensité claire sert d’écrin à la noirceur des pulsions. Film d’anticipation flirtant élégamment avec le western, Young Ones s’amuse avec des emprunts dosés : quelques gros plans léoniens, un âne robotique aux traits lucassiens, des plans larges fordiens … Sa singularité se nicherait alors dans le regard d’un auteur de cinéma à l’ambition littéraire. Avec ce deuxième long-métrage chapitré en trois parties, orientées chacune par le point de vue d’un personnage masculin, Jake Paltrow revendique en effet une rigueur formelle à la mesure de la rudesse de ses protagonistes. Il poursuit ainsi une exploration hybride des genres, entamée avec la romance paranormale The Good Night, pour développer cette fois-ci un discours pessimiste sur une humanité condamnée à l’autodestruction. Dans ce futur archaïque, où la survie raviverait les bas instincts des hommes et relèguerait les femmes à un rôle domestique et maternel, Young Ones interroge le poids des responsabilités et les contours d’une masculinité plurielle. Ce drame aux accents shakespeariens joue ainsi une tragédie en trois actes : à la maturité vacillante d’un père succède l’impétuosité dangereuse d’un gendre et la fin de l’innocence pour un fils. Mensonge, violence et vengeance animent alors des êtres en prise avec les limites morales qu’impose leur survie. Si Michael Shannon (Bug, Take Shelter) joue une partition torturée qui lui est familière, Nicholas Hoult (inoubliable icône de la série Skins) trouve enfin un rôle cinématographique intéressant grâce au sournois Flem Lever. Pourtant, c’est le regard de Jerome (Kodi Smit-McPhee) qui donne sa cohérence à une histoire trop segmentée.
Espace aride, film sec
Car Young Ones pèche par excès de bonnes intentions. À vouloir ciseler un récit en parties égales, réduire les échanges dialogués à l’essentiel et ralentir le rythme à mesure que la chaleur étouffe les corps, Jake Paltrow s’essouffle dans une dureté excessive. La structure ternaire du film, avec ses bifurcations abruptes, n’offre pas au récit l’ampleur dramatique qu’il semblait d’abord promettre. Ainsi, les personnages demeurent des figures en aplat. Paltrow est plus à l’aise avec les jolies images qu’avec les sentiments subtils. Quand il s’agit de creuser un peu la psychologie des personnages, le sentimentalisme maladroit n’est jamais loin : de l’hystérie feinte d’Elle Fanning, pour exprimer la révolte larvée et la douleur diffuse de Mary, aux pauses affectées d’une mère handicapée qui ne peut que susciter pitié et compassion. D’ailleurs, le système qui permet à cette femme paralysée de se déplacer sur deux jambes, avec des câbles et des rails, dit bien le rôle dévolu aux femmes dans cet univers. Elles sont des marionnettes et des poupées de chiffon, manipulées sans avoir conscience de leur passivité. Leur sort est révélateur d’un système plus largement à l’œuvre dans Young Ones : chacun y reste ainsi à sa place, aux prises avec une violence aussi déchaînée que ponctuelle. À vouloir rester cohérent, Paltrow s’interdit toute folie et finit par tuer celle de ses personnages dans un film en ligne droite.