C’est le bol d’air frais du festival, un feel-good movie pour le moins inhabituel mais qui dans le cadre de cette décevante Mostra fait office de pause bienvenue. L’intelligence de Noah Baumbach et de Jake Paltrow est d’avoir restreint leur dispositif documentaire à deux choses : A) la parole affable de Brian De Palma, peu avare lorsqu’il s’agit de livrer de savoureuses anecdotes, mais aussi des commentaires plus techniques sur sa conception de la mise en scène B) une multitude d’extraits tirés de la prodigieuse filmographie du réalisateur. L’entreprise est bien entendu limitée : le binôme s’efface face au maître et le film suit consciencieusement le déroulé de sa carrière en faisant la part belle aux films. C’est objectivement un petit documentaire, tant la stature de De Palma paraît écraser les deux réalisateurs, qui se contentent de quelques beaux raccords entre diverses figures de l’œuvre depalmien et certaines scènes-clefs de Vertigo, mais aussi parce que le film ne propose pas grand-chose d’inédit en matière d’images, à l’exception d’une fin alternative de Snake Eyes où la corrompue Atlantic City est ravalée par une vague biblique.
Le film reste toutefois un beau bilan : De Palma porte un regard aiguisé sur ses échecs commerciaux (nombreux – c’est l’une des carrières les plus sinusoïdales de l’histoire d’Hollywood) sans jamais céder à l’appel des regrets. Ce n’est que lorsqu’il évoque la mort de Bernard Herrmann, après l’achèvement du score (somptueux) d’Obsession, que le regard du cinéaste semble embué d’une tristesse pudique, mais le reste du temps, De Palma profite de l’occasion pour dresser son autoportrait de maverick à la lucidité enjouée. C’est aussi un pur film fétichiste (qui ne s’adressera donc qu’à une poignée de gourmets) terriblement euphorisant, une balade cinéphilique en compagnie d’une série de chefs-d’œuvre (une dizaine de grands films – peu de cinéastes peuvent en dire autant) où les camarades du Nouvel Hollywood, les partitions de Pino Donaggio, d’Ennio Morricone ou encore de John Williams viennent se joindre à la fête. On ressort du film le sourire aux lèvres, requinqué par ce bain revigorant et prêt à affronter les lendemains incertains de cette édition.