Quelques questions à Edgar Pêra, coréalisateur de 3x3D avec Peter Greenaway et Jean-Luc Godard.
Quel était votre rapport de spectateur à la 3D avant ce film ? Est-ce quelque chose qui vous était familier ?
En fait quand la municipalité de Guimarães, capitale européenne de la culture en 2012, m’a invité, le projet était en 2D. C’est moi qui ai proposé de travailler sur le relief. J’étais déjà donc intéressé par le sujet, à tout ce qui touche à la technologie. J’aime beaucoup quand on peut jouer, surtout quand il y a de la nouveauté. C’est pas le futur mais le présent, donc pour moi c’était assez naturel d’aller sur ce terrain du relief.
Et comme spectateur, est-ce que ça vous intéresse ?
J’aime le cinéma digital en 3D, l’animation me semble le milieu naturel pour l’image en relief ; on peut jouer avec les objets, les placer où l’on veut… C’est le mieux. En prises de vue réelles, c’est très compliqué et contraignant, je l’ai vécu pendant le tournage ; si tu veux changer de cadre il faut attendre deux heures. La 2D est beaucoup plus immédiate en comparaison.
Cinesapiens, votre film, porte sur le dispositif de la salle et la condition du spectateur, pourquoi ce choix ?
Ce n’est pas moi, c’est mon producteur qui a choisi. Il savait que j’avais un projet de long métrage en 3D, The Amazed Spectator, et m’a proposé d’expérimenter cet aspect dans 3x3D. Et entre le court et le long à venir, les idées sont très proches : le fait qu’il y a deux façons de regarder. D’une part, le spectateur-croyant qui ne veut pas comprendre qu’il regarde un film, d’autre part le spectateur-étonné qui est conscient qu’il se trouve au cinéma, face à un objet d’art, devant un monde d’artifices crées par le 7e art. Et j’ai fait un film pour le spectateur étonné !
Quelque chose est marquant dans chacun des courts, c’est la spatialisation des lettres et des mots dans l’image tridimensionnelle, c’est un aspect qui singularise vraiment le film, qui n’est absolument pas travaillé par les blockbusters qui manquent, c’est un lieu commun, d’imagination.
Je crois que c’est avant une continuation de notre travail à chacun. Pour ma part, j’ai toujours aimé le texte, j’ai toujours joué avec : le texte comme image et l’écran comme espace de lecture. Aussi avoir des mots dans l’écran permet de travailler beaucoup plus profondément la 3D.
La 3D devient aussi une boîte qui permet de traverser les âges du cinéma… Est-ce que vous avez trouvé une liberté particulière dans la tridimension pour parler du temps ?
Oui, le bloc tridimensionnel est comme un espace-temps dans lequel on peut articuler une histoire du cinéma, c’est très stimulant.
Le film s’ouvre des hommes préhistoriques, on hésite entre un clin d’œil à La Grotte des rêves perdus de Werner Herzog et la famille Pierrafeu…
Je n’ai pas vu le film de Herzog, et je ne connais pas du tout la famille Pierrafeu… Pour les hommes préhistoriques, les Monty Python constituent la référence de mon point de vue.
C’est en tous cas dans les cavernes que l’on a projeté les premières images…
Oui, ou disons la projection des ombres. Pour moi, l’idée n’était pas de faire un discours ou une dénonciation mais de réaliser quelque chose de ludique.
L’idée de jeu est prégnante dans votre film.
Oui, on me le reproche parfois : pourquoi est-ce qu’il s’amuse de quelque chose de si sérieux que le cinéma ! Mais je crois que l’on peut rire et réfléchir à la fois ; puis je n’aime pas parler d’un problème quand on n’a pas la solution.
Est-ce qu’il y a eu une coordination entre vous ?
Pas du tout. Pour ma part, j’ai tourné dans un ancien cinéma de Guimarães, qui va être détruit. C’était important pour moi d’inscrire dans le film cet endroit qui va mourir, comme le cinéma un jour parce que rien n’est éternel.
Ce qui donne une dimension mélancolique…
Oui et non. D’abord parce que le film finit avec un bébé – le mien ! Mais au-delà, chaque fois qu’une époque du cinéma termine, de nouvelles formes adviennent, de nouveaux spectateurs aussi. N’oublions pas que les frères Lumière ont dit que le cinéma était une invention sans avenir. Puis, il n’y a pas et il n’y a jamais eu une façon unique de regarder le cinéma.