Courrier des lecteurs
Il y a quelque temps de cela, m’était parvenue cette longue et érudite missive. L’auteur, que nous appellerons, selon sa fantaisie propre, Iarwain Benladar (qui, après enquête, s’est révélé être professeur d’université), y fait montre d’une érudition certaine, et d’une intolérance toute aussi étendue. Commenter ou chercher à orienter une interprétation de ces propos n’est guère nécessaire, d’autant plus que je ne suis pas de la plus honnête objectivité dans l’affaire, et je vous laisserai donc, chers lecteurs, vous faire votre propre idée, quant à savoir si Jackson aurait dû servir Tolkien, ou se servir de lui.
Je ne résiste pas, cependant, à souligner, à votre intention mon bon Iarwain, que contrairement à ce que vous notez dans votre phrase « C’est que vous vous garderez bien de faire figurer les (deux) présents messages sur votre site ou dans votre revue…», nous ne sommes aucunement une revue, et nous publions votre prose. Fautes d’orthographes comprises. Bien à vous,
Vincent Avenel
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Bonjour,
Je suis toujours intéressé par ce que peuvent écrire des critiques à propos des adaptations cinématographiques précitées, même si, généralement, cela manque complètement de rigueur, de connaissance réelle du sujet, et ainsi d’ampleur.
En l’occurrence lorsque l’on peut lire ici ou là (peut importe les individualités, concept obsessionnel et maladif de la modernité) qu’il y aurait (sic) des « bondieuseries » et des platitudes à ce sujet chez C.S. Lewis, nous aimerions, en lieu et place d’assertions captieuses, une analyse référencées d’après les écrits publiés et non pas des phantasmes modernistes de type adolescents boutonneux. Avant de prétendre appréhender les oeuvres de Tolkien et de Lewis peut-être s’agirait il de comprendre les racines Métaphysiques et Traditionnelles (anti-post-modernité) sur lesquelles elles reposent. Et pour cela, il n’y a pas meilleur « guide » — et c’est un euphémisme que l’oeuvre du Métaphysicien, Logicien et Sage helvétique Frithjof SCHUON (le Dr Martin LINGS, très proche de celui-ci, connût fort bien C.S. Lewis et J.R.R. Tolkien…) né en 1907 et décédé en 1998. Voir le site Internet : www.frithjof-schuon.com On se reportera également, dans le même ordre d’idées, à l’oeuvre de l’érudit de génie (il maîtrisait, après un doctorat ès sciences en géochimie, plus de 35 langues…) Ananda Kentish COOMARASWAMY, qui a notamment écrit sur des thématiques équivalentes à celles de Tolkien, dont le récit médiéval du « Chevalier Vert ».
Il faut encore surtout citer : Le Pr Seyyed Hossein NASR, surtout ces deux ouvrages incontournables par leur clarté et leur profondeur : ««La Connaissance et le Sacré », collection « Delphica », édition L’Age d’Homme, Paris, 1999. « La Religion et l’Ordre du monde », édition Entrelacs, Paris, 2004. Relativement à la geste tolkienienne : Irène FERNANDEZ, « Si on parlait du « Seigneur des Anneaux » : le sens caché de Tolkien », édition Presses de la Renaissance, Paris, 2002. Stratford CALDECOTT, Didier RANCE & Grégory SOLARI, « Tolkien Fäerie et christianisme », édition Ad Solem, Genève, 2002. Léo CARRUTHERS, « Tolkien et le Moyen Age », édition du CNRS, Paris, 2007. La thèse de doctorat d’Etat plus qu’exceptionnelle d’Irène FERNANDEZ consacrée à explorer les fondements du « mythe » en rapport avec la rationalité chez C.S. Lewis : « C.S. Lewis, Mythe, Raison ardente : imagination et réalité selon C.S. Lewis », édition Ad Solem, Genève, 2005.
Ceci pour préciser, que ce n’est aucunement le réalisateur Peter Jackson qui doit servir de (sic) soi-disant « guide » ou référence pour apprécier les oeuvres de Tolkien ou celle de Lewis ou encore d’Andrew Adamson, réalisateur des deux premiers volets des Chroniques de Narnia. Au demeurant, Peter Jackson est très loin de ne pas subir de critiques rigoureuses sur son travail (il a réalisé un « remake » absolument NUL sur tous les plans de « King Kong », plus que niais, zéro pointé et nous sommes encore indulgents, ce qui devrait inciter certains à une prudence et une modestie de bon aloi), par exemple sur « Le Retour du Roi », troisième volets du « Seigneur des Anneaux », — (ici nous nous référons bien entendu à la version originale en anglais intégrale en DVD, longue durée, parce qu’autrement mieux vaut n’en point discuter…) — autorisé une scène lamentable dans la façon de s’est-il traîter de l’épisode capital dit des « Maisons de Guérisons » (chap. VIII, Livre V,), où — dans la version intégrale en DVD uniquement d’ailleurs, nous le soulignons — l’on peut s’apercevoir que Faramir est (sic) guérit par le dépôt sur son front d’une simple lingette par le futur Roi Aragorn ! Ceux qui ne comprennent pas ici l’ERREUR essentielle de Peter Jackson, ou son absence de rigueur et de fidélité à ce qu’énonce pourtant clairement Tolkien, feraient bien d’apprendre à lire, de retourner à la maternelle, et de cesser de polluer les pages de journaux et les « blogs » d’Internet de leurs inepties grossières autant qu’immatures…
Il y a aussi la mort de Denethor, très mal traitée par Peter Jackson et ce n’est pas la seule erreur grave qu’il s’est laissé allé à commettre malheureusement. Voici ce qu’écrit Tolkien dans ce passage extrêmement important du « Seigneur des Anneaux », presque « central », qui rejoint exactement ce qu’écrit Lewis, dans leur perspective Traditionnelle Métaphysique chrétienne, car tous deux, n’en déplaisent aux abrutis actuels, étaient croyant et profondément chrétiens : «(…) — Vous n’avez pas autorité, Intendant de Gondor, pour ordonner l’heure de votre mort, répliqua Gandalf.
Et seuls les rois païens, sous la domination de la Puissance Ténébreuse, le firent, se tuant dans leur orgueil et leur désespoir, et assassinant leurs proches pour faciliter leur propre mort (…)». (cf., version intégrale en un volume du « Seigneur des Anneaux », chap. VII, Livre V, traduction de Fr. Ledoux, Ed., Ch. Bourgois, Paris, 1992, p. 913). Nous tenons ce passage remarquable pour un résumé des fondements du totalitarisme moderne, et une lumineuse explication des impasses et de l’incompréhension quasi absolue par rapport à ces deux oeuvres (aussi bien tolkienienne que Lewissienne). Bien sûr, nous pourrions écrire plusieurs pages laudatives sur la qualité des interprètes du « Seigneur des Anneaux », sur les décors, etc.
Mais notre propos était ici de corriger ce qui est systématiquement mis sous le manteau, dissimulé, au seul profit du mensonge, de la bêtise de crasse et de la parodie. Nous ne nous faisons au demeurant aucune illusion et savons pertinemment que la présente subira le même sort que les personnes que nous citons plus haut, soit de ne pas figurer et d’être reléguée dans des publications spécialisées. Dans l’optique précitée d’un respect scrupuleux à l’esprit même attenant à ces deux oeuvres — et parce que nous avons eu la chance de connaître une personne qui a elle même fréquenté ces deux écrivains de génie — si Andrew Adamson met telle parole d’expression chrétienne dans la bouche d’Aslan et qu’un de ces « imbéciles » (au sens de la célèbre formule bernanossienne) d’extrême-droite type du totalitarisme contemporain fasse l’intéressant en qualifiant celles-ci de « bondieuserie », ils feraient bien de s’abstenir avant de finir, selon ces mêmes Lois et principes Divins, dans ou sur l’un de ces tas d’ordures que Peter Jackson, précisément, filmait à l’époque de ses films dits « trash»… A l’image de cet alcoolique qui explose ou de celui qui se trouve absorbé dans la cuvette des « W.C. » !
C’est sur ces éléments que nous souhaitions intervenir et les laissons aller au gré des vents mauvais, puisqu’il est écrit qu’il en est ainsi…
Iarwain Benladar
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Monsieur.
Je me permettrais de mettre de côté ma vision de votre prose, qui semble érudite, pour vous signaler deux choses :
— Peter Jackson et Andrew Adamson ne sont aucunement des continuateurs des oeuvres de Tolkien et de Lewis, et doivent être jugés seulement en tant que cinéastes. Ce qui, à mon seul et humble avis, est une réussite, dans le cas de Jackson et de Adamson (en ce qui concerne le Prince Caspian), tant il est vrai qu’ils sont parvenus à insuffler un souffle épique à leurs sagas et à proposer un spectacle certes très consensuel, mais que personnellement je tiens pour estimable. Cet avis n’engage que moi, et pas même la rédaction entière de Critikat. Cependant, je maintiens qu’il faut savoir s’extirper d’une oeuvre, sans quoi le travail d’adaptation ne présente aucun intérêt.
- d’autre part, vous sous entendez dans vos dernières phrases que Jackson est le réalisateur d’un film où l’on peut apercevoir « l’image de cet alcoolique qui explose ou de celui qui se trouve absorbé dans la cuvette des « W.C. » !». Il s’agit manifestement de Street Trash, seul film de Jim Muro, et qui n’est donc aucunement réalisé par Peter Jackson. En revanche, vous pourrez trouver d’autres scènes redoutablement réjouissantes dans les premiers films de Jackson, j’ai nommé Bad Taste, BrainDead et Meet the Feebles. Loin d’être des « tas d’ordures », ces films présentent, au moins au même titre que nombre de films plus consensuels et plus reconnus, une vision du monde et une perception artistique qui ne méritent pas de tels qualificatifs. Je vous invite à revoir Street Trash, et à découvrir les premiers films de Peter Jackson — sans oublier son remarquable et étonnant Créatures célestes.
Une fois cela fait, je vais me permettre de revenir sur vos propos concernant les « assertions captieuses », oeuvre, à vous lire, de ceux que citant Bernanos vous avez la délicatesse de traiter d’ »imbéciles », avec une pudeur qui semble tout de même faire figure de facile lâcheté pour ne pas avoir à endosser l’insulte vous même, allant même jusqu’à associer vos cibles à l’extrême droite. N’ayant quant à moi pas laissé libre court à ma tendance anticléricale dans mes articles relatifs à Narnia, je me permets de croire que vous faites référence à monsieur Fabien Reyre, qui tient des propos presque similaires, même si largement plus mesurés, dans son article sur The Golden Compass. Dans ce cas précis, l’amalgame vachard et hautain me semble on ne peut plus peu adapté, pour donner dans l’euphémisme. Disons pour ne pas nous enfoncer qu’il me semble parfaitement non avenu de se prêter à ce genre d’insinuation. Nous serons toujours extrêmement heureux d’écouter vos retours sur nos propres analyses, voire que vous nous proposiez les vôtres, en ce qui concerne le cinéma. Pour tout le reste, je me permets de suggérer le café du commerce du coin, lieu plus adapté aux jugements à l’emporte-pièce.
En conclusion, je me permettrais donc de dire, monsieur, que je suis toujours rassuré de la bonne santé des érudits fanatiques de Tolkien (et donc C.S. Lewis, à ce qu’il semble), mais que pour tout vous dire, le Jyhad Tolkienniste n’a que fort peu à dire en qui concerne le cinéma. Finalement, il semblerait que si vous continuiez à appliquer votre précise connaissance de Tolkien à la littérature de cet auteur, et que nous continuions à parler de cinéma, tout le monde ne s’en porterait que mieux.
Vincent Avenel
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Bonjour,
Merci bien pour vos lignes. Vous avez entièrement raison de me signaler mon erreur relative au film Jim Muro « Street Trash », que j’ai faussement attribué — de mémoire ! — à Peter Jackson. Mais voici de longues années que je n’ai point revu ces films, et sur le nombre de films que j’ai pu voir vers l’âge de 20 — 30 ans, il est permis de commettre cette légère erreur, surtout qu’il ne s’agit en rien, contrairement à des réalisateurs comme Michaël Powell, Luchino Visconti ou Guru Dutt, pour ne retenir hélas que ces trois noms, d’oeuvres pérennes ?
Ceci exprimé, sur les points très précis d’adaptation du « Seigneur des Anneaux » que je me permets de relever, vous ne dites strictement rien et c’est, excusez-moi d’insister, extrêmement révélateur de l’absence de références rigoureuses aujourd’hui chez « 90 % au moins » des soi disant « historiens » ou « critiques » de cinéma.
S’il faut, pour reprendre vos termes, « s’extirper d’une oeuvre » afin de mieux la trahir en profondeur, eh bien, disons que cette manière de « s’extirper » s’apparente pleinement à la modernité « imbécile » dénoncée — entre autre — par Georges Bernanos ! CQFD !
La question à se poser ne revient-elle pas, en substance, à servir une oeuvre avant de se servir d’une oeuvre ? C’est-à-dire de commencer à mettre son monumental ego au rencart, ce que s’avère incapable Peter Jackson qui, avec « Kong-King » nullissime, achève la démonstration si celle-ci s’avérait nécessaire ?
Peter Jackson a réalisé, avec « Le Seigneur des Anneaux », un travail honnête, (sic) « brillant » parfois, surtout dans la première partie et des passages des suivantes, mais en aucun cas exceptionnel. Il a surtout été fort bien servit par la distribution qu’il ne faut surtout pas confondre avec l’éventuel talent, en l’occurrence, de Peter Jackson. John Boorman eut fait bien mieux, c’est une évidence, mais lui, il est Irlandais et respecte la tradition celtique autrement que Peter Jackson, qui a infiniment de peine à (sic) « s’extirper », précisément de son goût immodéré et immature des « petits monstres»…
En résumé Peter Jackson s’est servit de Tolkien avant malheureusement de le servir, et l’exemple que je retiens, dans « Le Retour du Roi » (IIIème partie) relatif au chapitre des « Maisons de Guérison » est emblématique à cet égard et extrêmement révélateur, y compris sur un plan psychanalytique du mode de fonctionnement schizophrène « moderne » !…
Pénétrez vous donc de l’analyse critique, absolument remarquable et essentielle, de Guido SEMPRINI (volume cité dans mon mesage…) « La Communauté de l’Anneau : le film », parue dans le volume collectif « Tolkien : les racines du Légendaire, Cahier d’études tolkieniennes » réalisé sous la direction de Michaël DEVAUX, édition Ad Solem, Genève, 2003, pp 393 – 412. Alors vous appréhenderez un peu mieux le ton, quelque peu irrité, j’en conviens, mais ô combien justifié sur le fond, de mon message… A moins de ne précisément rien comprendre à la relation subtile et étroite entre une oeuvre écrite et son adaptation cinématographique, vous serez contraint de réviser ce qui transparaît dans votre réponse…
Je ne puis, encore une fois, que vous recommandez vivement de perdre ces « habitudes » (ce « formatage ») que véhicule la (pseudo) « modernité » totalitaire, afin d’entrer dans l’Esprit médiéval et trans-historique même souhaité par ce groupe exceptionnel qu’a constitué les « Inklings » (Tolkien, C.S. Lewis, Williams et quelques autres)…
J’ajouterai que cette tâche devrait au demeurant aller de soi, à l’nstar du courant Pré-Raphaélite (voir les écrits anti-modernes de William Morris, « père-fondateur » de ce courant, dont un choix est paru aux excellentes Editions de l’Encyclopédie des Nuisances…) qui marqua précisément Tolkien (voir notamment sa correspondance, dont une partie a été traduite en français) aussi bien que C.S. Lewis, mais que notre moucheron Peter Jackson — dans son adaptation du « Seigneur des Anneaux » — se contente de survoler en empruntant (visible dans la version intégrale en DVD essentiellement…) quelques références maladroites (et des plus superficielles) aux tableaux de Sir Edward Burne-Jones.
Le Pré-Raphaélisme est inconstestablement le plus profond et le plus important — en tant que « novateur » (authentiquement Révolutionnaire…) des courants européens, et le surréalisme, le cubisme, le dadaisme et autres âneries prétentieuses du même genre, ne sont que des pitreries sur l’écume du Réel en comparaison…
Puissiez vous approfondir, vous défaire des mauvaises « habitudes » susdites, et effectivement le monde s’en portera bien mieux !
PS : Je n’ajouterai qu’une chose en rapport avec l’une de vos remarques toute secondaire :
C’est que vous vous garderez bien de faire figurer les (deux) présents messages sur votre site ou dans votre revue, puisque, à l’évidence, vous vous avérer dans l’impossibilité de vous (sic) « extirper » de l’idéologie totalitaire « moderniste » et de ses — pour dire le moins, vu les centaines de millions de morts que cette idéologie à produit ! — cuistreries à répétition !…
Quant à venir parler hypocritement de « Jihad Tolkieniste » et autres billevesées pour « teen-ager », ne démontrez vous pas de manière éclatante ce qui précède ?
Iarwain Benladar
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Lire l’article A la Croisée des mondes, par Fabien Reyre.
Lire l’article Le Monde de Narnia : chapitre 1 — Le lion, la sorcière blanche et l’armoire magique, par Vincent Avenel.
Lire l’article Le Monde de Narnia : chapitre 2 — Le prince Caspian, par Vincent Avenel.
Lire l’article King Kong, par Vincent Avenel.