Directement sorti en DVD dans nos contrées, Take This Waltz a pourtant obtenu un succès d’estime outre-atlantique, en partie grâce à la présence lumineuse de Michelle Williams. Le cinquième film de Sarah Polley fait partie de ces « petites œuvres » non dénuées de charme, mais à l’ambition peut-être trop sage et linéaire pour sortir du lot des comédies de mœurs traitant des aléas du couple moderne.
Sarah Polley a centré depuis quelques années la plupart de ses films en tant qu’actrice et réalisatrice autour du couple, de la cellule familiale et de ses petites destructions. Dans Loin d’elle, elle traitait de la mémoire des sentiments, de la destruction de ces derniers par l’abandon du corps ; plus récemment, elle dénouait, dans Stories We Tell, le tissage des liens familiaux en s’interrogeant sur le rapport du cinéma et de chaque membre d’une tribu au réel. Loin des problématiques de son dernier film – plus proches de celles de Jonathan Caouette, mais toujours dans le registre de l’intimité – Take This Waltz est un véritable cercle cinématographique sur le couple. Comme souvent, Michelle Williams y interprète une petite chose complexe, tiraillée entre l’amour et la fidélité, perdue dans un nuage dépressif. Margot est un personnage qui ne se montre que de profil, qui évite le face-à-face et sombre dans le déséquilibre au moindre doute, tout en s’accrochant à un environnement trop confortable. Son mari, Lou, spécialiste de la cuisson du poulet, est amoureux, attentionné, compréhensif, présent, mais à l’extérieur du flou de son épouse. Le premier doute survient lorsque Margot rencontre, lors d’un voyage, Daniel. Elle combat son attirance, plus difficile à surmonter lorsqu’elle découvre qu’il habite en face de chez elle, à Toronto.
Sarah Polley est cependant plus maligne que les premiers déroulements narratifs de Take This Waltz pourraient le laisser supposer. L’amour impossible, thème rebattu de la comédie sentimentale, n’est pas réellement central : le nœud gordien est le couple. Celui dont Margot s’éloigne, celui dont elle rêve vainement… tous les duos auxquels elle participe semblent voués à l’échec, en amour comme en amitié. Sarah Polley filme le décalage de Margot aux autres et au réel, sa peur enfermée dans l’intériorité : coincée entre deux portes, collée aux parois des meubles et plaquée sur les surfaces planes, Margot ne change ni d’angle ni de posture. Mais le dispositif, minimaliste et un temps plaisant, devient répétitif : toutes les scènes de séduction ont la même chute abrupte et le visuel, voulant de temps à autre tirer sur le sensuel, doit se contenter d’un gentillet mignon. On regrette d’autant plus cette absence d’ambition de la part de Sarah Polley qu’elle témoigne, même au cours d’un film anecdotique, de sa capacité à éclairer les visages et les corps – notamment ceux de son actrice, toujours sur le fil du rasoir, nimbés dans une aube perpétuelle.