Le réalisateur est un citoyen comme un autre. La politique ne l’exclut pas de son champ, et même à Hollywood, sous ses allures de tour d’ivoire rutilante, il se permet en retour de la considérer comme sujet d’attention. L’ouvrage de Claude Vaillancourt, Hollywood et la politique, se prête à une classification efficace du discours politiques dans les gros budgets des années 1980 à nos jours.
Parce qu’il nécessite des moyens importants et préside au rang des activités artistiques les plus chères, le cinéma d’Hollywood n’a jamais échappé au discours politique. Les productions déplacent les foules, mais surtout des fonds considérables, mobilisés par des instances capables de restreindre la liberté du créateur. Dans un mouvement d’« autodéfense intellectuelle » très québécois, Claude Vaillancourt propose, plutôt qu’une critique frontale du blockbuster et des intérêts commerciaux qu’il présuppose, une classification nuancée. Sans se limiter au « cinéma du statu quo » dont on devine la paresse intellectuelle face aux discours institutionnalisés, l’auteur propose une catégorie de films du « questionnement », stade intermédiaire avant le rarissime cinéma subversif. Ces films du milieu, qui forment désormais un genre bien à part, « détournent la critique ». Des postulats de départ séditieux aboutissent finalement à des considérations convenues, le plus souvent sous des atours d’indépendance financière quand il ne s’agit que de filiales de grands studios. En limitant son propos aux productions très récentes, l’auteur énonce d’ailleurs cette conclusion dès les premières pages du livre : « l’ensemble du cinéma étatsunien reste contrôlé par Hollywood et ses impératifs financiers ».
Les nombreux exemples cités par Claude Vaillancourt, qui vont de Blade Runner (Ridley Scott, 1982) à Thank You for Smoking (Jason Reitman, 2006), en passant par Le Royaume (Peter Berg, 2007) se classent soigneusement dans les différentes catégories, sans que l’analyse ne soit toutefois poussée jusqu’à la mise en scène. Le sujet de Vaillancourt réside plutôt dans un certain positionnement par rapport à un système de valeurs, avec en premier lieu l’élément le plus significatif du cinéma hollywoodien : l’individualisme. Que les longs-métrages se confrontent aux biographies (Oliver Stone, le spécialiste), à la dérision (du côté justicier de « l’Empire » étatsunien) ou à l’allégorie (absence remarquée d’une analyse plus fouillée des films de super-héros), la pierre d’achoppement reste le peu d’accointances du cinéma hollywoodien avec l’action collective.
Omniprésent sur les écrans, le cinéma en provenance des États-Unis fournit pléthore d’exemples reprenant cette antienne, et les choix de Claude Vaillancourt pèchent un peu par popularité. En évoquant les blockbusters, le reproche paraît illégitime, mais les paragraphes consacrés à des films aussi rebattus qu’Armageddon (Michael Bay, 1998) ou American Beauty (Sam Mendes, 1999) occupent des espaces propices au développement de nouvelles analyses a posteriori, comme celle de Des hommes d’influence (Barry Levinson, 1998) ou le travail stimulant sur le documentaire hollywoodien. Cette dernière catégorie ayant aussi rejoint, malgré ses airs intouchables, un certain système de valeurs… en premier lieu financières.